SSE #149: Alimentation et neurogenèse

Romain Meeusen

POINTS PRINCIPAUX

  • L’exercice et l'alimentation influent sur le développement du cerveau.
  • L’exercice et l'alimentation peuvent ralentir et inverser la perte cognitive chez les personnes âgées.
  • L'exercice et l'alimentation influent sur la santé du cerveau via plusieurs mécanismes pour stimuler la génération de cellules nerveuses ou neurogenèse.
  • Les polyphénols ont le potentiel de stimuler la neurogenèse.
  • Les polyphénols améliorent la mémoire, l'apprentissage et les capacités cognitives générales.
  • Les fruits, les baies et les légumes sont riches en antioxydants et en composés bioactifs qui peuvent réduire le risque de maladie dû aux espèces réactives de l'oxygène, et sont également associés à des bienfaits d'ordre cognitif. 

INTRODUCTION

L'alimentation a un rôle spécifique dans l'apport d'énergie et la structure du corps. La capacité des nutriments à prévenir les maladies et à en protéger l'organisme commence à être reconnue. L’activité physique est également associée à une réduction de nombreux troubles physiques et mentaux. Par conséquent, l'alimentation et l'exercice sont utilisés comme des interventions pour stimuler la santé. Les données récentes indiquent que les interventions en termes d'exercice et d'alimentation influent non seulement sur la santé générale, mais aussi sur le fonctionnement du cerveau (Gomez-Pinilla, 2011). Cet article de Sports Science Exchange décrit la façon dont l'exercice et l'alimentation peuvent influer sur la neurogenèse, ou génération des nouvelles cellules nerveuses, et qui ont donc un effet neuroprotecteur. 

NEUROGENÈSE ET NEUROPLASTICITÉ

La neurogenèse est le processus de génération des nouvelles cellules nerveuses, notamment les neurones, les astrocytes, la glie, etc. La neuroplasticité désigne la capacité du cerveau et du système nerveux central (SNC) de s’adapter aux changements du milieu environnant, de réagir aux lésions éventuelles et d’acquérir de nouvelles informations en modifiant les connexions et les fonctions neuronales. Les neurotrophines sont les molécules qui favorisent la neuroplasticité et qui sont notamment capables de signaler la survie, la différenciation ou la croissance des neurones (Knaepen et al., 2010). Par conséquent, les neurotrophines font l'objet d'une attention croissante dans la recherche pour le traitement et la prévention des maladies neurodégénératives et, plus récemment, métaboliques. Les facteurs neurotrophiques jouent non seulement un rôle dans la neurobiologie, mais aussi dans le métabolisme énergétique au niveau central et périphérique. Leur effet sur la plasticité du SNC implique les éléments du métabolisme de l'énergie cellulaire. Au niveau périphérique, ils interviennent dans les processus métaboliques, tels que l'amélioration de l'oxydation des lipides dans les muscles squelettiques via l'activation de la protéine kinase activée par l'anédosine-monophosphate (AMPK). La neuroplasticité est un processus qui dépend de l'activité. L'alimentation et l'activité physique (exercice et entraînement) apparaissent donc comme les interventions principales à l'origine des processus qui permettent aux neurotrophines d'intervenir sur le métabolisme énergétique et, par conséquent, sur la neuroplasticité (Knaepen et al., 2010). Parmi tous les facteurs, le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF) semble le plus sensible à une régulation induite par l’exercice et l’activité physique.

L'IMPORTANCE DU FACTEUR NEUROTROPHIQUE DÉRIVÉ DU CERVEAU (BDNF)

Le BDNF intervient surtout dans les zones du cerveau associées à la régulation cognitive et métabolique : l'hippocampe et l'hypothalamus. Le BDNF hypothalamique semble inhiber la consommation d'aliments et augmenter la dépense d'énergie, ce qui conduit à un bilan énergétique négatif. Dans l'hippocampe, l'implication du BDNF dans la plasticité neuronale et la neurogenèse est importante pour l'apprentissage et la mémoire. Le BDNF stimule le développement et la différenciation des nouveaux neurones et favorise la potentialisation à long terme (PLT), qui est considérée comme l'un des mécanismes majeurs à la base de l'acquisition, de la consolidation et la conservation de la mémoire dans le cerveau. Il est également connu pour être contrôlé au niveau moléculaire par l'activation d'un certain nombre voies de signalisation neuronale.

Il est généralement admis que le BDNF est associé à un vaste répertoire d’activités neurotrophiques et neuroprotectrices dans le CNS et le système périphérique, notamment : la protection et la survie des neurones; l’expression des neurites; la croissance axonale et dendritique, et le remodelage; la différenciation neuronale, la plasticité synaptique et l’efficacité de la transmission synaptique (Cotman et Berchtold, 2002). Le BDNF joue un également un rôle dans l'homéostasie de l'énergie, la carence de BDNF étant associée à la prise de poids chez les souris et les humains et l'administration de BDNF hypothalamique peut réduire la consommation alimentaire et augmenter les dépenses énergétiques, ce qui fait perdre du poids aux animaux (Noble et al., 2011). Les études sur les animaux révèlent également que le BDNF a une activité neuroendocrinienne ou métabotropique sur le système périphérique, car il permet de réduire les niveaux de glucose dans le sang et d'augmenter la sensibilité à l'insuline (Knaepen et al., 2010). Le BDNF semble affecter le métabolisme et la plasticité synaptique via le facteur 1 de croissance analogue à l'insuline (IGF1), qui est synthétisé dans le foie, les muscles squelettiques et le cerveau (les récepteurs IGF1 du cerveau sont exprimés principalement dans l'hippocampe). Une réduction de la signalisation IGF1 chez les rongeurs a provoqué l'hyperglycémie et la résistance à l'insuline, et la perfusion d'IGF1 dans le cerveau a réduit les niveaux d'insuline plasmatique et a augmenté la sensibilité à l'insuline. L'IGF1 favorise également la croissance et la différenciation nerveuses, la synthèse et la libération des neurotransmetteurs, et la plasticité synaptique (Gomez-Pinilla et al., 2008). L'exercice améliore la neurogenèse dans l'hippocampe, probablement en stimulant la production systémique d'IGF1. Plus important encore, l'IGF1 est aussi crucial pour l'angiogenèse dans le cerveau induite par l'exercice, et peut intervenir dans les effets du BDNF via la médiation génétique en amont (Lista et Sorrentino, 2010).

Le BDNF et l'alimentation sont également étroitement liés. Molteni et al. (2004) ont trouvé qu'un régime riche en matières grasses réduit les niveaux de BDNF dans l'hippocampe chez les animaux, mais que l'exercice est capable d'inverser cette réduction due à l'alimentation. Komori et al. (2006) ont montré qu'il y a interaction centrale entre l’hormone leptine dérivée des adipocytes (qui joue un rôle déterminant dans la régulation de l’appétit et du métabolisme énergétique) et l’expression du BDNF dans l’hypothalamus chez les souris. Araya et al. (2008) ont indiqué qu’après un régime hypocalorique, les sujets insulinorésistants faisant de l'embonpoint et obèses voient augmenter leur taux sérique de BDNF. Ces résultats confirment que le BDNF est non seulement essentiel au cerveau, mais qu'il est aussi étroitement lié au métabolisme énergétique et à l'homéostase au niveau central et périphérique.

Dans les recherches sur les mécanismes expliquant la plasticité et la santé du cerveau, l’exercice et l'alimentation sont reconnus comme inducteurs d'une série de processus moléculaires et cellulaires qui favorisent la plasticité du cerveau. Le BDNF pourrait jouer un rôle crucial dans ces mécanismes et les études effectuées sur les humains ont montré que l'exercice et/ou l'entraînement influent sur la concentration de BDNF (Gold et al., 2003: Radak et al., 2006; Van Praag, 2009; et Knaepen et al., 2010). Les avancées en matière de biologie moléculaire ont révélé que les signaux dérivés des aliments ont la capacité d'influer sur le métabolisme énergétique et la plasticité synaptique et qu'ils interviennent donc dans les effets des fonctions alimentaires et cognitives, ce qui a sans doute été un facteur essentiel dans l'évolution du cerveau moderne (Gomez-Pinilla, 2008). L'alimentation influe à la fois sur le développement et la santé de la structure et des fonctions du cerveau, car elle fournit les éléments essentiels utilisés par le cerveau pour créer et maintenir les connexions, ce qui est primordial pour améliorer les capacités cognitives.

ALIMENTATION ET COGNITION

Le cerveau est un organe très actif au niveau métabolique et représente un pourcentage élevé du taux métabolique total au repos. Tout en affectant l'architecture du cerveau, l'alimentation peut également influer potentiellement sur son fonctionnement de temps en temps (Benton, 2008). Les techniques d'imagerie non invasives ont clairement démontré qu'il suffit de penser aux aliments pour que l'activité neuronale soit modulée dans des zones spécifiques du cerveau connues pour leur implication dans le contrôle cognitif des comportements liés à l'appétit, ce qui peut provoquer des réactions physiologiques comme la sécrétion de salive, d'acide gastrique et d'insuline (Berthoud, 2007).

Le cerveau est très sensible aux dommages oxydatifs à cause de son taux métabolique élevé et de l'abondance de ses matières oxydables, telles que les acides gras polyinsaturés, présents dans les membranes plasmatiques des cellules neuronales. Les fruits et les légumes sont parmi les aliments les plus nutritifs et les plus sains et sont liés à la prévention des maladies chroniques. Les aliments végétaux sont extrêmement complexes et, malgré les efforts importants consentis pour identifier leur composition, les structures exactes de la majorité des éléments nutritifs ne sont pas connues avec précision. Cependant, il est reconnu que les fruits et les légumes sont riches en antioxydants et en composés bioactifs qui peuvent réduire le risque de maladie résultant des espèces réactives de l'oxygène, qui sont à leur tour associées à des avantages cognitifs.   Les études sur les animaux suggèrent que les apports en fruits et légumes riches en activité antioxydante peuvent maximiser le fonctionnement neuronal et cognitif chez la population âgée (Nurk et al., 2010). Plusieurs « régimes antioxydants » sont devenus populaires pour leurs effets positifs sur les fonctions neuronales. Ainsi, il a été démontré que les baies, par exemple, ont une grande capacité antioxydante. Cependant, on ne sait pas exactement comment les extraits de baie sont bénéfiques pour la plasticité et la cognition, mais leurs effets peuvent être associés au maintien de l'homéostasie métabolique, car celle-ci peut protéger les membranes de la peroxydation des lipides et influer sur la plasticité synaptique (Gomez-Pinilla, 2008).

Des études épidémiologiques et expérimentales récentes suggèrent que les polyphénols ont des effets bénéfiques sur la santé du cerveau. Les polyphénols sont des oligo-éléments et des antioxydants puissants qui se trouvent en abondance dans les aliments dérivés des végétaux. Les fruits et les boissons comme le thé, le vin rouge, le cacao et le café sont les principales sources des polyphénols. Une relation inverse significative entre la démence et la performance cognitive, et la consommation de polyphénols a été établie (Vauzour et al., 2010). Chez les rats, il a été établi que les polyphénols augmentent la plasticité de l'hippocampe et améliorent l'apprentissage et la performance de la mémoire. Il a été démontré que les polyphénols exercent leurs actions neuroprotectrices grâce à leur potentiel à protéger les neurones contre les blessures induites par les neurotoxines, leur capacité à supprimer la neuroinflmmation et leur potentiel à favoriser la mémoire, l'apprentissage et les fonctions cognitives (Shukitt et al., 2008). Malgré les progrès importants de nos connaissances sur la biologie des polyphénols, ceux-ci sont encore considérés à tort comme de simples antioxydants. Cependant, des études récentes suggèrent que leurs effets bénéfiques comprennent une réduction dans la signalisation du stress oxydatif/inflammatoire, une augmentation de la signalisation de protection et un accroissement de l'expression des gènes qui encodent les enzymes antioxydants, les facteurs neurotrophiques et les protéines protectrices (Vauzour, 2012).

LES POLYPHÉNOLS ET LE CERVEAU

Le groupe le plus important de polyphénols est celui des flavonoïdes (Tableau 1). Il existe six groupes alimentaires de flavonoïdes : (1) les flavones (par exemple, l'apigénine, la lutéoline), qui se trouvent dans le persil et le céleri; (2) les flavanones/flavanonols (par exemple, l'hespérétine, la naringénine/l'astilbine, l'engélétine), qui se trouvent principalement dans le citron, les herbes (l'origan) et le vin; (3) les isoflavones (par exemple, la daidzéine, la génistéine), qui se trouvent principalement dans le soja et les produits à base de soja; (4) les flavonols (par exemple, le kaempférol, la quercétine), qui se trouvent dans les oignons, les poireaux et le brocoli; (5) les flavanols (par exemple, la catéchine(+), l'épicatéchine(-), l'épigallocatéchine et l'épigallocatéchine-gallate (EGCG)), qui se trouvent en abondance dans le thé vert, le vin rouge et le chocolat; et (6) les anthocyanidines (par exemple, la pélargonidine, l'aglycone du cyanure et la malvidine), qui se trouvent dans le vin rouge et les baies.

 

Le groupe de polyphénols non flavonoïdes peut être divisé en deux classes différentes : (1) les acides phénoliques, notamment les acides hydroxybenzoïques (HBA; squelette C1–c3) et les acides hydroxycinnamiques (HCA; squelette C3–C6); et (2) les stilbènes (squelette C6–C2–C6). L'acide caféique est généralement l'acide phénolique le plus abondant et se trouve principalement sous forme d'ester quinique, un acide chlorogénique, dans les bleuets, les kiwis, les prunes et les pommes. Le resvératrol, le principal stilbène, peut se trouver dans les configurations cis ou trans, qu'elles soient glucosylées ou en faibles concentrations comme la molécule parente d'une famille de polymères, tels que les viniférines, le pallidol ou l'ampélosine A. Les sources alimentaires majeures de resvératol sont le raisin, le vin et les cacahuètes (Vauzour, 2012).

Les flavonoïdes peuvent protéger le cerveau de plusieurs façons, y compris en protégeant les neurones vulnérables, en améliorant les fonctions neuronales existantes et en stimulant la régénération neuronale (Vauzour et al., 2010). Par exemple, il a été démontré que les flavonoïdes protègent les neurones contre le stress oxydatif et les lésions neuronales induites par les protéines bêta-amyloïdes, et que les extraits de ginkgo riches en polyphénols protègent les neurones hippocampiques de la neurotoxicité induite par l'oxyde nitrique et les protéines bêta-amyloïdes (Luo et al., 2002). On s'intéresse aussi de plus en plus au potentiel des flavonoïdes dans l'amélioration de la mémoire, de l'apprentissage et des capacités cognitives générales. Les études sur les humains suggèrent que les fruits et les légumes peuvent avoir une incidence sur la mémoire (Macready et al., 2009) et la dépression (How et al., 2007), et de nombreuses preuves liées au comportement animal indiquent que les baies, notamment les bleuets et les fraises, sont efficaces pour inverser le déficit de la mémoire dû à l'âge, améliorer la mémoire de reconnaissance des objets et réguler le conditionnement à la peur inhibitrice (Joseph et al., 1998). Des effets bénéfiques des aliments et boissons riches en flavonoïdes sur l'activité psychomotrice chez les animaux âgés ont également été décrits (Joseph et al., 1998). En plus des baies, du thé, de la grenade, du gingko et il a été que les flavonols purs tels que la quercétine, la rutine et la fisetine, sont également bénéfiques pour inverser le vieillissement neuronal et comportemental. Par ailleurs, il a été démontré que le ginkgo favorise le conditionnement de l'évitement inhibiteur chez les rats, la consommation de doses importantes à court terme, mais non à long terme, étant associée à l'apprentissage de l'évitement passif chez les souris sénescentes (Stoll et al., 1996).

Lors d'un essai dans un labyrinthe aquatique, il a été observé que le flavonol épicatéchine(-), surtout en combinaison avec l'exercice, améliore la rétention de la mémoire spatiale chez les rats. Il a été également démontré que l'amélioration de la mémoire spatiale est associée à l'augmentation de la densité de l'angiogenèse et de l'épine dendritique dans le gyrus denté de l'hippocampe et à la régulation positive des gènes associés à l'apprentissage dans l'hippocampe (Stangl et Thuret, 2009). De nombreuses preuves indiquent aussi que les baies, surtout les bleuets, sont efficaces pour inverser les déficits liés à l'âge dans les fonctions motrices et la mémoire de travail spatial (Rendeiro et al., 2009). Par exemple, chez les rats la période de latence pour trouver une plateforme et la distance de nage à la plateforme dans l'essai de labyrinthe aquatique de Morris a été réduite de façon significative après un apport supplémentaire de bleuets. De tels résultats peuvent suggérer que les bleuets ont des effets positifs sur l'activité locomotrice des vieux animaux. Cependant, la réduction du temps mis pour prendre une décision peut également suggérer une amélioration de la mémoire, puisque les rats sont plus rapides à « se rappeler » le chemin et à réagir.

Les polyphénols ont été associés à une réduction du risque de développer la démence, à une amélioration de la performance cognitive dans le vieillissement normal et à une amélioration de l'évolution cognitive (Vauzour, 2012). Letenneur et al. (2007) ont effectué une étude de cohorte prospective sur une période de 10 ans et des sujets âgés de 65 ans ou plus pour étudier la relation entre les antioxydants, le déclin cognitif et la démence. Au total, 1 640 sujets exempts de démence au début de l'étude et ayant une évaluation nutritionnelle fiable ont été étudiés quatre fois sur une période de 10 ans. Le fonctionnement cognitif a été évalué avec trois tests psychométriques et des renseignements sur la consommation de flavonoïdes ont été recueillis au début de l'étude. Après ajustement en fonction de l'âge, du sexe et du niveau d'instruction, la consommation de flavonoïdes a été associée à une meilleure performance cognitive au début de l'étude et à une meilleure évolution de la performance au fil du temps. Les sujets des deux quartiles supérieurs de la consommation de flavonoïdes ont bénéficié d'une meilleure évolution cognitive que ceux des quartiles inférieurs. Après un suivi de 10 ans, la performance des sujets ayant une consommation de flavonoïdes réduite dans les tests psychométriques était bien inférieure, même après l'ajustement en fonction de plusieurs autres facteurs perturbateurs. Dans une étude transversale connexe, Nurk et al. (2009) ont examiné la relation entre la consommation de trois aliments communs qui contiennent des flavonoïdes (chocolat, vin et thé) et la performance cognitive. Les participants (2031, 70 à 74 ans, 55 % de femmes) recrutés pour une l'étude de santé portant sur la population de Hordaland, en Norvège, ont été soumis à des tests cognitifs. Les participants qui consommaient du chocolat, du vin et du thé ont réalisé de meilleurs scores moyens et la prévalence de réduction de la performance cognitive au sein de leur groupe était inférieure par rapport aux sujets qui n'en consommaient pas. Les participants qui consommaient les trois aliments étudiés avaient les meilleurs scores de tests et présentaient les risques les plus réduits en termes de performance médiocre dans les tests. Les associations de consommation de ces aliments et la cognition dépendent des doses, l'effet maximal étant associé à une consommation de 10 g/jour pour le chocolat et de 75 à 100 ml/jour le vin, et une dose à peu près linéaire pour le thé. La plupart des fonctions cognitives ont été influencées par la consommation de ces trois aliments. L'effet le plus prononcé est celui du vin, alors que la consommation de chocolat a un effet légèrement plus faible. Par conséquent, chez les personnes âgées, un régime riche en flavonoïdes a été associé à une meilleure performance de plusieurs capacités cognitives, et ce d'une façon qui dépend de la dose.

MÉCANISMES

Les actions neuroprotectrices des polyphénols alimentaires et donc des flavonoïdes impliquent un certain nombre d'effets dans le cerveau, notamment le potentiel de protéger les neurones contre les lésions dues aux neurotoxines, la capacité de supprimer la neuroinflammation et le potentiel de favoriser la mémoire, l'apprentissage et les fonctions cognitives. Bien que de nombreux mécanismes sous-jacents à leurs effets bénéfiques restent à élucider, il devient évident qu'ils participent à réduction de signalisation du stress oxydatif/inflammatoire et à l'accroissement de la signalisation de protection, et qu'ils peuvent également avoir un rôle protecteur contre les facteurs du stress oxydatif et inflammatoire.

Les effets des polyphénols sur la cognition et contre les processus neurodégénératifs semblent être médiés par leurs interactions avec les voies de signalisation neuronale et gliale qui affectent l'expression des gènes et interviennent dans les mécanismes de mort des cellules (Vauzour et al., 2010). Par conséquent, les phytochimiques alimentaires, notamment les flavonoïdes, peuvent avoir des effets positifs sur le SNC en protégeant les neurones contre les lésions induites par le stress, en supprimant l'activation de la microglie et des astrocytes, qui interviennent dans la neuroinflammation, et en favorisant la plasticité synaptique, la mémoire et les fonctions cognitives. Les études démontrent la localisation des flavonoïdes dans le cerveau et, par conséquent, ces phytochimiques peuvent être considérés comme des agents neuroprotecteurs, de neuromodulation et anti-neuroinflammatoires potentiels. Il semble très probable que ces propriétés bénéfiques sont médiées par leurs capacités à interagir avec les cascades de signalisation des protéines et des lipides kinases, plutôt que par leur potentiel d'agir comme antioxydants (Spencer, 2008). 

Les sites cellulaires précis des actions des flavonoïdes restent inconnus. Plusieurs voies et sites d'action possibles ont été identifiés, mais on ne sait pas si l'action des flavonoïdes nécessite une captation cellulaire ou si ceux-ci interviennent dans les effets de médiation via la fixation des récepteurs extracellulaires. Il n'existe à ce jour aucune certitude à ce sujet, même si les glucoronides flavonoïdes, qui ne peuvent entrer dans les cellules à un degré important, ne causent pas d'effets cellulaires (Vauzour, 2012). Cela suggère que la localisation cytosolique est nécessaire, bien que cela puisse également signifier que l'association des flavonoïdes aux fractions de glucoronides et de sulfates bloque la fixation des récepteurs et donc leur activité cellulaire.

Les concentrations de flavonoïdes rencontrées in vivo sont suffisamment élevées pour exercer une activité pharmacologique sur les sites des récepteurs, des kinases et des facteurs de transcription. Bien que les sites d'action ne soient pas connus avec précision à ce jour, il est probable que leur activité dépende de leur capacité à : (1) fixer les sites ATP sur les enzymes et les récepteurs; (2) moduler directement l'activité des kinases; (3) affecter la fonction des phosphatases importantes, qui agissent en opposition aux kinases; (4) préserver l'homéostase Ca2+ et empêcher l'activation des kinases dépendantes de Ca2 dans les neurones; et (5) moduler les cascades de signalisation en aval des kinases, c'est-à-dire l'activation et la fixation des facteurs de transcription pour les sites promoteurs.

Le défi consiste aujourd'hui à déterminer le(s) site(s) d'action précis des flavonoïdes dans les voies de signalisation et l'ordre des événements qui leur permettent de réguler la fonction neuronale dans le SNC (Spencer, 2008; Spencer et al., 2012). Les voies de signalisation induites par les polyphénols peuvent avoir un effet positif dans le traitement des maladies à évolution chronique, mais elles peuvent voir un effet négatif sur le système nerveux, au moins à des concentrations élevées, où ces mêmes voies agissent pour contrôler la survie neuronale et la plasticité synaptique. Par conséquent, les interactions de flavonoïdes avec les voies de signalisation intracellulaires pourraient avoir des résultats imprévisibles et dépendront du type de cellule (c'est-à-dire les neurones, les astrocytes, etc.), de la maladie étudiée et du stimulus appliqué. En résumé, il est évident que les flavonoïdes sont des molécules bioactives puissantes. Une connaissance approfondie de leurs mécanismes d'action comme modulateurs de la signalisation cellulaire sera essentielle pour l'évaluation de leur potentiel à agir comme inhibiteurs de la neurodégénérescence ou comme modulateurs de la fonction cérébrale (Spencer, 2008; Vauzour et al., 2010).

APPLICATIONS PRATIQUES ET CONCLUSIONS

L’exercice et l'alimentation peuvent tous les deux des stimulus puissants qui influent sur le cerveau. L'exploration de la fonction cérébrale n'est qu'à ses balbutiements, mais il est clair que l'activité physique et l'alimentation ont des effets bénéfiques pour la santé du cerveau. On s'intéresse de plus en plus au potentiel des polyphénols dans l'amélioration de la mémoire, de l'apprentissage et des capacités cognitives générales. Il est évident que les flavonoïdes (forme la plus commune des polyphénols) sont des molécules bioactives puissantes. Une connaissance approfondie de leurs mécanismes d'action comme modulateurs de la signalisation cellulaire sera essentielle pour l'évaluation de leur potentiel à agir comme inhibiteurs de la neurodégénérescence ou comme modulateurs de la fonction cérébrale. Bien que les résultats des études suggèrent que les effets des polyphénols contribuent aux avantages d'une consommation élevée des fruits et légumes, l'étendue de la contribution in vivo, et à des concentrations physiologiques pertinentes, reste incertaine. D'autres études sont nécessaires pour prouver si cette classe d'éléments est susceptible de produire des avantages pour la santé et pour déterminer les effets potentiellement bénéfiques sur les maladies neurodégénératives à évolution lente. Compte tenu des différentes activités biologiques, la consommation d'aliments riches en polyphénols tout au long de la vie peut limiter la neurodégénérescence et empêcher ou inverser les détériorations de la performance cognitive liées à l'âge.

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