SSE #132: Prévention des blessures chez les joueurs de soccer et nutrition

Daniel Medina, Antonia Lizarraga and Franchek Drobnic

 

POINTS PRINCIPAUX 

  • Parmi tous les sports, le soccer extérieur est celui qui est associé à l’incidence la plus élevée de blessures, en particulier chez les joueurs adultes de sexe masculin.

  • Presque le tiers de toutes les blessures associées au soccer professionnel sont des blessures musculaires. Chaque saison, une équipe de 25 joueurs d’élite peut s’attendre à environ 15 blessures musculaires qui entraîneront, chacune, environ deux semaines d’absence au jeu.

  • La composition corporelle joue un rôle important dans la prévention des blessures chez les joueurs de soccer élite. La graisse abdominale (évaluée par DEXA, ou absorptiométrie à rayons X en double énergie, ou en mesurant la circonférence abdominale) est connue pour être un bon prédicteur des blessures musculosquelettiques.

  • Malgré le manque de données concluantes à ce sujet, le dépistage nutritionnel pour la prévention des blessures peut comprendre la surveillance des déficits énergétiques, de la reconstitution du glycogène et la récupération de protéines, de la qualité de l’alimentation, du taux de vitamine D, du bilan lipidique, du taux d’hydratation et de la consommation d’alcool.

  • En raison de l’inactivité qu’elle entraîne, une blessure a pour effet de ralentir la synthèse des protéines musculaires (SPM). Par conséquent, il est recommandé de stimuler le muscle et d’augmenter l’apport en protéines pendant la réadaptation.

  • La leucine, la créatine, les acides gras oméga-3 et certains nutraceutiques peuvent favoriser la synthèse des protéines musculaires pendant le processus de récupération et de réadaptation.

 INTRODUCTION

 Le soccer est très exigeant sur le plan physique, car il sollicite plusieurs types d’aptitudes à divers degrés. Courir, faire un sprint, sauter et botter le ballon sont autant d’aspects importants de la performance qui requièrent du système neuromusculaire une force maximale et une grande puissance anaérobie (van Beijsterveldt et coll., 2013). À la fin d’une partie de soccer, ces activités ont généralement entraîné une fatigue également attribuable à d’autres facteurs, dont une déshydratation, une perte de glycogène, des dommages musculaires et une fatigue mentale. L’importance de la fatigue accumulée pendant une partie dépend de facteurs intrinsèques et extrinsèques. Les facteurs extrinsèques incluent le résultat de la partie, la qualité de l’adversaire, le lieu de la partie et la surface de jeu, tandis que les facteurs intrinsèques comprennent le degré d’entraînement, l’âge, le sexe et le type de fibres musculaires. Tant les facteurs intrinsèques que les facteurs extrinsèques peuvent influer sur la durée de la récupération du joueur, ce qui ajoute à la complexité du sujet (Nédélec et coll., 2012).

Le soccer professionnel est de plus en plus exigeant pour les joueurs, car le nombre de parties au calendrier est plus élevé qu’auparavant; les joueurs ont donc moins de temps pour récupérer entre les séances d’entraînement et les parties, ce qui augmente le risque de blessure (Dellal et coll., 2013). Il a été suggéré qu’une récupération de 72 à 96 heures entre deux parties suffit pour maintenir le degré de performance physique, mais qu’elle ne suffirait pas pour que le taux des blessures reste peu élevé (Dupont et coll., 2010). Pendant les périodes où le calendrier des parties est particulièrement chargé (p. ex. deux parties par semaine pendant plusieurs semaines), le temps de récupération entre deux parties consécutives n’est que de 3 ou 4 jours, un intervalle insuffisant pour rétablir l’homéostasie chez les joueurs. Résultat : une fatigue aiguë ou chronique peut s’installer chez des joueurs et induire une sous-performance ou des blessures (Nédélec et coll., 2012). En Europe, les joueurs de soccer élite disputent entre 51 et 78 parties par saison, ce qui correspond à 1,6 à 2 parties par semaine en moyenne (ce qui ne tient pas compte des parties amicales). Par exemple, 80 % des équipes professionnelles de FC Barcelona ont joué environ 65 parties officielles pendant les saisons 2010 à 2013. Dupont et ses collaborateurs (2010) ont observé que le nombre de blessures était 6,2 fois plus élevé chez les joueurs qui participaient à deux parties par semaine que chez ceux qui ne participaient qu’à une seule. Si le calendrier des parties est chargé, des stratégies de récupération sont souvent utilisées pour rétablir rapidement la performance des joueurs et diminuer le risque de blessure (Nédélec et coll., 2012).

Une bonne communication avec le personnel technique et les entraîneurs permet d’améliorer de façon continue des services médicaux offerts aux joueurs et contribue à l’effort collectif pour prévenir les blessures (Hägglund et coll., 2013). Selon notre expérience, il y a deux importants messages à transmettre. D’abord, il y a un lien direct entre le nombre de parties jouées et le nombre de blessures chez les joueurs. Ensuite, une stratégie de récupération proactive et rigoureuse diminue la prévalence des blessures. À cet égard, nous avons constaté que la nutrition est au cœur des stratégies de récupération chez les joueurs de soccer professionnel.

ÉPIDÉMIOLOGIE DES BLESSURES CHEZ LES JOUEURS DE SOCCER

Le soccer extérieur est l’un des sports associés au plus grand nombre de blessures, en particulier chez les joueurs adultes de sexe masculin. Chaque saison, une équipe de 25 joueurs de soccer élite peut s’attendre à environ 50 blessures. La moitié de ces blessures sont mineures et entraîne une absence de moins d’une semaine, mais jusqu’à huit ou neuf sont des blessures graves qui obligent les joueurs blessés à s’absenter du jeu pendant plus de quatre semaines. L’incidence des blessures a été évaluée entre 24,6 et à 34,8 environ pour 1 000 heures de jeu et entre 5,8 et 7,6 environ pour 1 000 heures d’entraînement (Ekstrand et coll., 2011a). Au soccer professionnel, presque le tiers de toutes les blessures sont musculaires. La majorité de ces blessures (92 %) se produisent au sein des quatre grands groupes musculaires des membres inférieurs : ischio-jambiers (37 %), adducteurs (23 %), quadriceps (19 %) et les muscles du mollet (13 %). Chaque saison, une équipe de 25 joueurs d’élite peut s’attendre à environ 15 blessures musculaires qui entraînent, chacune, environ deux semaines d’absence au jeu. Fait intéressant, l’incidence des blessures augmente avec le temps de jeu, tant pendant la première mi-temps que pendant la seconde. Selon certains auteurs, il s’agit là d’une conséquence de la fatigue chronique qui s’installe quand la période de récupération entre les parties est trop courte (Ekstrand et coll., 2011a; 2011b). Toutefois, une fatigue aiguë peut aussi se manifester au fur et à mesure qu’une partie se prolonge. C’est pourquoi les stratégies nutritionnelles qui visent expressément à retarder la fatigue pendant les parties peuvent également contribuer à prévenir les blessures (Rollo, 2014).

MESURES DE PRÉVENTION

Comme nous l’avons indiqué plus haut, au soccer, les blessures musculaires représentent le tiers de toutes les blessures. Il a été observé que les stratégies de prévention faisant appel à l’hydratation, à l’alimentation, au sommeil et à l’immersion en eau froide sont efficaces pour contrecarrer les mécanismes associés à la fatigue musculaire (Nédélec et coll., 2012). Dans le cas du soccer professionnel, les stratégies de récupération visant à atténuer l’inflammation aiguë des blessures musculaires et à en accélérer la guérison prévalent. Des articles Sports Science Exchange (Halson, 2013a; Halson, 2013b) expliquent en détail ces stratégies de récupération, y compris celles qui portent sur le sommeil. Nous nous contenterons ici de présenter les mesures de prévention, de suivi et de récupération de la fatigue musculaire d’un point de vue nutritionnel.

Le muscle squelettique est un organe endocrine ou paracrine. Lorsqu’il se contracte, il peut libérer des facteurs de croissance et des facteurs anaboliques, comme le facteur de croissance insulinomimétique 1 (IGF-1), et d’autres médiateurs musculaires de type cytokine ou myokine. Les dommages musculaires excessifs qui sont causés par une surutilisation ou une blessure provoquent la libération de cytokines inflammatoires qui favoriseraient le catabolisme et la résistance anabolique. En même temps, ces facteurs ont sur les muscles, les os et les tendons des effets qui font partie de la réaction normale de l’organisme aux blessures (Hamrick, 2012). La réaction inflammatoire dépend de la masse musculaire totale et peut être influencée par l’alimentation. Le bilan métabolique, biomédical et nutritionnel d’un joueur, de même que sa composition corporelle, peuvent donc influer sur la récupération d’un muscle blessé.

Point de vue biochimique

D’un point de vue biochimique, la surveillance de certains biomarqueurs peut contribuer, en partie, à l’évaluation de l’état nutritionnel. La surveillance et le suivi des biomarqueurs permettent de déceler un stress chronique et, le cas échéant, un risque plus élevé de blessure. La performance physique qu’exige une seule partie de soccer ou une seule séance d’entraînement intense inflige des dommages musculaires et déclenche une réaction inflammatoire transitoire qui durera jusqu’à 72 heures après l’exercice. Pendant toute une saison, à mesure que les séances d’entraînement et les charges d’entraînement se suivent, il est possible de déceler chez les joueurs une augmentation des biomarqueurs de dommages musculaires et de l’inflammation, comme la CPK, la LDH ou l’IL-6 (Tableau 1). Parfois, ces biomarqueurs sont également associés à une diminution de paramètres anaboliques, comme l’IGF-1 ou la testostérone libre. Fait intéressant, en raison de la longue saison de compétition, on ne sait pas encore si une période de repos de 3 ou 4 semaines avant la pré-saison suffit pour rétablir complètement ces paramètres. Le taux élevé de blessures chez les joueurs de soccer élite pourrait indiquer que les joueurs ne récupèrent pas complètement d’une saison à une autre (Reinke et coll., 2009).

Increased

Decreased

CPK

Hemoglobin

LDH

Ferritin

Cortisol

IGF-1

IL-6

Free testosterone

TBARS (Lipid oxidation)

Lymphocytes

Table 1. Examples of bio-indicators of nutritional status related to fatigue and injury (FCB unpublished data). 

 

COMPOSITION CORPORELLE ET PRÉVENTION DES BLESSURES

En cas de blessure, la composition corporelle doit être évaluée, en particulier la masse corporelle totale, la masse maigre et la masse grasse du joueur. En général, en cas de blessure, les changements observés dans la composition corporelle comprennent une augmentation de la masse grasse et une diminution de la masse maigre, très peu de temps après la blessure. Ces changements ne se manifestent pas toujours dans la masse corporelle, car cette dernière peut augmenter ou diminuer selon le cas (Peterson et coll., 2011).

Dans le cas de certains sports, un embonpoint impose une plus grande contrainte mécanique, ce qui augmente le risque de blessure. Il est intéressant de noter que la graisse abdominale (évaluée par DEXA, ou absorptiométrie à rayons X en double énergie, ou en mesurant la circonférence abdominale) est connue pour être un meilleur prédicteur des blessures musculosquelettiques que l’indice de masse corporelle (IMC), une corrélation qui augmente avec l’âge (Nye et coll., 2014). Il est important de noter que, selon les critères de l’IMC souvent utilisés pour la population en général, les joueurs dont la masse grasse est peu élevée et dont la masse musculaire est élevée sont considérés comme faisant de l’« embonpoint ». Par conséquent, utiliser l’IMC pour évaluer la composition corporelle des joueurs de soccer n’est pas approprié.

La composition corporelle des joueurs est importante dans le cas du soccer élite. Les joueurs appartenant à des clubs professionnels semblent former un groupe homogène et présenter peu de différences individuelles. Comme notre propre expérience l’a confirmé, le pourcentage de tissu adipeux des joueurs de soccer professionnel serait de 10,6 + 2,1 % (Sutton et coll., 2009). La composition corporelle des joueurs varie pendant la pré-saison; en général, une diminution de la masse grasse abdominale et une augmentation de la masse maigre des jambes sont alors observées. À l’inverse, lors d’une longue absence pour cause de blessure, une diminution globale de la masse maigre ainsi que des changements plus marqués sont observés, notamment une atrophie musculaire et des dépôts graisseux dans la région de la lésion (Reinke et coll., 2009).

Récemment, un intérêt nouveau s’est manifesté en ce qui concerne l’élaboration de modèles de prévention des blessures en fonction du pourcentage de chacun des différents tissus. Schinkel-Ivy et ses collaborateurs (2014) ont décrit le pourcentage de tissus qui composent les membres inférieurs et le rapport entre les tissus mous et les tissus osseux, appelé « rapport tissus/masse ». Le rapport tissus/masse varie en fonction du sport pratiqué, et c’est l’adaptation au type de stimulus ou de choc qui l’optimiserait. Ce rapport peut être pris en considération lors de la planification des interventions en matière de nutrition ainsi que lors de la prévention et du suivi des blessures. Barbat-Artigas et ses collaborateurs (2012) ont observé que le rapport masse grasse/masse osseuse d’un membre inférieur est inversement proportionnel au risque de blessure et s’avère plus faible chez les athlètes non blessés que chez les athlètes blessés.

D’autres indices, comme l’« indice de qualité musculaire », permettent de faire une corrélation entre la région musculaire d’un membre et la force ou la puissance du muscle (Fragala et coll., 2014). Lors de la surveillance des modifications apportées à la masse et à la fonction musculaires après une blessure, cet indice peut être utile pour en connaître l’évolution.

ALIMENTATION DU JOUEUR DE SOCCER : QUELQUES PISTES POUR PRÉVENIR LES BLESSURES

Le coût énergétique d’une partie de soccer de 90 minutes est d’environ 1 300 à 1 500 calories, selon la position du joueur, les tactiques auxquelles il recourt et sa composition corporelle. Selon notre expérience, l’apport énergétique dont un joueur a besoin doit être ajusté en fonction de sa masse maigre en kilogrammes. La technologie de localisation GPS peut aider à déterminer le coût énergétique approximatif des séances d’entraînement.

Un apport énergétique insuffisant ne fournit pas au joueur l’énergie dont il a besoin pour être performant pendant une partie, son entraînement et ses activités quotidiennes. Il a été observé qu’un apport énergétique de moins de 30 à 35 kcal/kg de masse maigre (effort exclu) a pour effet d’accentuer la fatigue, d’affaiblir le système immunitaire et de prédisposer aux blessures (Loucks et coll., 2011). De plus, les régimes hypocaloriques dont les calories ne proviennent pas d’une bonne variété d’aliments ont généralement peu de qualité nutritionnelle. La combinaison d’un apport énergétique insuffisant et de mauvais choix alimentaires augmente le risque de carence en nutriments, comme les vitamines B et C, et en certains minéraux, comme le fer, le calcium, le magnésium, le zinc et le sélénium. Il est intéressant de noter que des taux insuffisants de vitamine D plasmatique (< 30 ng/ml) ont été observés pendant les mois d’hiver chez des joueurs de niveau international (Morton et coll., 2012). Une carence en vitamine D peut nuire au métabolisme osseux et a été associée à des changements dans la force et dans certaines composantes musculaires (Morton et coll., 2012). Par conséquent, une surveillance du taux de vitamine D peut faire partie des mesures de prévention des blessures. Les joueurs doivent par ailleurs éviter d’avoir un bilan lipidique défavorable (pro-inflammatoire), qui serait dû à une alimentation trop riche en gras trans, en gras saturé et en acides gras oméga-6 provenant d’huiles végétales. Les joueurs sont plutôt encouragés à manger de façon régulière certains aliments comme des poissons gras pour obtenir des acides gras oméga-3 (Simopoulos, 2007).

Les recommandations et les lignes directrices relatives à l’hydratation des joueurs doivent être aussi personnalisées que possible et tenir compte d’un ajustement de la quantité et de la composition des boissons en fonction des changements dans la masse corporelle. Une analyse des pertes d’eau par transpiration et des pertes d’électrolytes permet de personnaliser davantage les recommandations. De façon générale, il est recommandé que la perte de masse corporelle n’excède pas 2 % de sa valeur avant l’exercice. Pour ce qui est de l’hydratation après l’exercice, des auteurs ont récemment observé que la consommation d’alcool après une séance d’entraînement ou une partie ralentit la synthèse des protéines myofibrillaires, même accompagnée d’un apport en protéines. Cette suppression de la réponse anabolique du muscle squelettique nuit à la récupération et à l’adaptation à l’entraînement (Parr et coll., 2014). Par conséquent, une consommation inappropriée d’alcool se répercutera sur la performance à venir et, par le fait même, sur le risque de blessure.

Dupont et ses collaborateurs (2010) ont constaté que le nombre de blessures augmente en fonction du nombre d’heures de jeu, mais que le risque de blessure augmente de façon marquée quand les parties et les séances d’entraînement se tiennent à moins de 72 h d’intervalle. Dans ce cas (quand le temps pour récupérer est inférieur à 72 h), il faut donner priorité à des stratégies de récupération axées sur une nutrition optimale. De façon plus précise, pour reconstituer les réserves de glycogène musculaire après l’exercice, il faut compter sur un apport d’environ 60 g protéines à l’heure, pendant les 2 ou 3 premières heures qui suivent l’exercice (Rollo, 2014). Un apport en protéines tout de suite après l’effort (0,3 g/kg de masse corporelle ou l’équivalent d’environ 20 à 25 g) est donc recommandé, en même temps qu’une quantité de liquide appropriée pour se réhydrater (Laitano et coll., 2014; Res, 2014). Selon certaines études, des aides alimentaires ayant des propriétés anti-inflammatoires, comme les flavonoïdes (p. ex., la quercétine) ou la mélatonine (p. ex., le jus de cerise acide), pourraient aussi être bénéfiques quand le temps de récupération entre les parties est insuffisant. Cependant, il y a peu de données concluantes sur le sujet, et présenter leur utilité dans le cas du soccer dépasse le cadre de la présente analyse (Res, 2014; Howatson et coll., 2010).

INTERVENTIONS EN MATIÈRE DE NUTRITION EN CAS DE BLESSURE

Quand un joueur est blessé, son alimentation est l’un des aspects de son rétablissement qui sont souvent négligés. Or, pour optimiser le processus de guérison, non seulement est-il important de maintenir sa composition corporelle, comme nous l’avons montré plus haut, mais il faut également coordonner des interventions en matière de nutrition en tenant compte des différentes phases du processus de rétablissement. À cet égard, le rétablissement du joueur blessé peut être divisé en deux phases : la phase d’immobilisation et la phase de récupération fonctionnelle (réadaptation et retour à l’entraînement). Pendant ces phases, une perte et une atrophie musculaires sont souvent observées. Les principaux objectifs consistent donc à réduire l’inflammation et à augmenter les stimuli anaboliques (Tipton, 2010). Pour le joueur qui doit se faire opérer, une phase « préopératoire » peut aussi être prise en considération. Par exemple, certains ont suggéré une supplémentation en protéines de lactosérum pendant la phase « préopératoire » pour atténuer une réaction inflammatoire aiguë après la chirurgie (Perrone et coll., 2011).

Une perte de force musculaire et une atrophie musculaire se manifestent nettement dans les cinq premiers jours de l’immobilisation en raison de la dégradation rapide des protéines musculaires qui précède le ralentissement de leur synthèse. Une perte de masse musculaire d’environ 150 g est observée par jour, soit l’équivalent de 1 kg/semaine, et les fibres musculaires de type II sont davantage sujettes à l’atrophie (Wall et van Loon, 2013). Après dix jours, la perte musculaire est surtout causée par l’inhibition de la synthèse des protéines musculaires, basale et postprandiale, entraînant une atrophie et une perte fonctionnelle. L’inhibition de la synthèse des protéines musculaires, même après les repas et appelée « résistance anabolique », est entretenue par l’inactivité et la blessure. Les cytokines et les facteurs cataboliques, comme les myostatines, bloquent ces processus, un peu comme ils le font dans le cas de la sarcopénie chez les personnes âgées (Wall et coll., 2013). Par conséquent, l’apport en protéines perd de son efficacité et, même en présence d’un taux d’acides aminés adéquat, la synthèse des protéines est nettement inférieure à celle qui se produit en l’absence de blessure. Les stimuli musculaires semblent être l’élément le plus important, car la résistance anabolique persiste tant que le muscle n’est pas à nouveau sollicité. À noter que certaines méthodes, comme l’électrostimulation percutanée et l’entraînement du membre non blessé ou d’autres groupes musculaires, peuvent avoir un certain effet indirect et diminuer la résistance anabolique (Farthing et coll., 2009).

En matière de nutrition, certains suppléments comme la leucine peuvent, en activant la mTOr, atténuer quelque peu le ralentissement de la synthèse des protéines musculaires (van Loon, 2012). La leucine, un acide aminé essentiel, est plus abondante dans les protéines ayant une forte valeur biologique (comme les protéines de lactosérum). Prendre 3 g de leucine, seule ou avec une source de protéines, peut activer la synthèse des protéines musculaires et améliorer la résistance du muscle à l’insuline (Katsanos et coll., 2006). Certains aliments sont une bonne source de leucine; par exemple, 25 à 30 g de protéines de lactosérum, 140 g de poulet ou 170 g de poisson contiennent 3 g de leucine. Il semble également que 3 g par jour du catabolite de la leucine, appelé HMB, est un supplément efficace pour activer la synthèse des protéines musculaires, mais d’autres études seront nécessaires avant que son utilisation soit recommandée, surtout chez un joueur blessé (Molfino et coll, 2013). Enfin, prendre 4 g/jour d’acides gras omega-3 pourrait agir de façon synergique avec la leucine et stimuler la synthèse des protéines (Smith et coll., 2011a; Smith et coll., 2011b).

PHASE AIGUË DU RÉTABLISSEMENT

La phase aiguë du rétablissement d’un joueur blessé se caractérise par l’inflammation et, selon la blessure, par l’immobilisation, la réduction de la mise en charge et le repos. L’apport énergétique quotidien doit être adapté aux besoins du joueur qui, en raison de son peu d’activité, sont généralement moins importants qu’avant la blessure. Il est important de noter que certaines blessures, comme les fractures osseuses ou l’obligation de marcher avec des béquilles, provoquent un stress métabolique qui augmente les besoins énergétiques du joueur. Les détails sur la façon d’adapter l’apport énergétique au type de blessure dépassent cependant le cadre du présent article.

Un apport allant jusqu’à 2 g de protéines par kilogramme de masse corporelle est recommandé. Pour répondre à ses besoins en protéines, un joueur peut manger des aliments ou prendre des suppléments qui contiennent des protéines d’une forte valeur biologique, à intervalles réguliers pendant toute la journée (dose fractionnée de 25 à 30 g; Res, 2014). Une autre stratégie consiste à prendre des protéines de lactosérum entre les repas, au milieu de l’avant-midi et en après-midi. Enfin, un apport en protéines est également recommandé au coucher, la caséine étant dans ce cas un bon choix à envisager (Churchward-Venne et coll., 2012).

L’apport recommandé en lipides doit comporter surtout des aliments riches en acides gras omega-3, comme les poissons gras, les noix, l’huile d’olive, l’avocat, etc., et tout apport excessif en acides gras omega-6 et en d’autres gras saturés est à éviter. Comme il a été indiqué ci-dessus, 4 g/jour de suppléments en acides gras omega-3 sont également recommandés au joueur blessé.

PHASE DE RÉCUPÉRATION FONCTIONNELLE

Cette phase se caractérise par une hypertrophie progressive et une récupération fonctionnelle. Dans le cas des blessures de longue durée, cette phase peut être divisée en trois parties : la régénération, la récupération fonctionnelle et le reconditionnement.

PHASE DE RÉGÉNÉRATION

Pendant cette phase, les exercices se limitent aux groupes de muscles non blessés. Les recommandations générales portent, entre autres, sur un ajustement de l’apport calorique à la masse maigre et le contrôle de l’apport en glucides ainsi que sur le choix d’aliments à faible indice glycémique, comme les légumes et les légumineuses. L’apport en protéines est primordial après un exercice (20 à 25 g/portion). Il est intéressant de noter qu’une supplémentation en créatine peut avoir des effets positifs sur la phase de régénération. Il a été suggéré que, en comparaison avec ceux qui ne prennent pas de suppléments, chez ceux qui en prennent, la créatine peut favoriser la récupération de la masse musculaire après une immobilisation. Il est facile d’y arriver en ajoutant de la créatine aux boissons protéinées que le joueur boit pendant cette phase (Op’t Eijnde et coll., 2001).

RÉCUPÉRATION FONCTIONNELLE

Cette phase consiste à retourner progressivement au jeu. La dépense énergétique étant alors plus importante, l’apport en glucides peut augmenter jusqu’à 3 à 5 g/kg/jour de masse corporelle. En général, pendant et après l’exercice, le joueur devrait boire des boissons pour sportifs adéquatement formulées en glucides pour répondre à ses besoins énergétiques et liquidiens (Rollo, 2014). Les recommandations relatives à un apport en protéines après l’exercice sont encore pertinentes pendant la phase de récupération fonctionnelle.

PHASE DE RECONDITIONNEMENT OU D’ENTRAÎNEMENT ADAPTÉ

Pendant cette phase, les recommandations précédentes doivent se conformer aux stratégies en matière de nutrition optimale et être adaptées en vue d’assurer une récupération complète (les articles de Rollo (2014), de Laitino et ses collaborateurs (2014) et de Res (2014) contiennent, respectivement, des conseils sur les macronutriments à privilégier, sur les glucides ainsi que sur l’apport liquidien et protéique chez les joueurs de soccer).

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

Le soccer professionnel est de plus en plus exigeant pour les joueurs parce que le nombre de parties au calendrier est plus élevé qu’auparavant et qu’ils ont alors moins de temps pour récupérer entre les séances d’entraînement et les parties, ce qui augmente le risque de blessure. Des stratégies de récupération sont souvent utilisées pour tenter de rétablir plus rapidement la performance des joueurs et réduire le risque de blessure. Dans le cas du soccer professionnel, la nutrition fait partie des stratégies de récupération les plus importantes. L’évaluation de la composition corporelle est importante pour les joueurs de soccer élite. Le taux de graisse abdominale est un bon prédicteur de blessure musculosquelettique et peut être utilisé comme outil de surveillance de la récupération du joueur après une blessure musculosquelettique. Les stratégies en matière de nutrition pour favoriser la récupération des joueurs doivent mettre l’accent sur un apport énergétique adéquat qui répond à leurs besoins en macronutriments et en micronutriments, tant d’origine alimentaire ou que sous forme de suppléments. L’inactivité qui suit une blessure ralentit la synthèse des protéines musculaires. Le muscle doit être stimulé autant que possible et le joueur doit avoir un apport adéquat en protéines d’une forte valeur biologique.

RÉFÉRENCES 


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