SSE #81: L'anémie et le dopage sanguin

E. Randy Eichner, M.D.

L'ANÉMIE ET LE DOPAGE SANGUIN
Sports Science Exchange 81 VOLUME 14 – NUMÉRO 2


E. Randy Eichner, M.D.
Département de médecine
University of Oklahoma Health Sciences Center
Oklahoma City, Oklahoma

POINTS PRINCIPAUX

  • L'anémie du sportif est une fausse anémie chez les athlètes qui ont une bonne capacité aérobie.
  • L'éclatement des globules rouges lors d'un effort ne provoque presque jamais d'anémie.
  • Une anémie ferriprive est fréquente chez les athlètes féminines.
  • Une fatigue d'effort est un symptôme caractéristique d'une anémie modérée.
  • Donner du sang est altruiste, mais a un effet ergolytique.
  • Le dopage sanguin est dangereux, mais endémique.

INTRODUCTION

Le sang fascine : il anime notre organisme et notre langage. Nous utilisons fréquemment des expressions comme sang épais, sang clair, sang-froid, sang chaud, mauvais sang ou sang bleu. Nous parlons de frères de sang, de prix du sang et de sanglante querelle. Nous disons assoiffé de sang, sangsue et taché de sang. Depuis deux mille ans, les médecins pratiquent la saignée. De nos jours, hélas, le vocabulaire sportif s'est enrichi du terme dopage sanguin. Les athlètes, entraîneurs, soigneurs sportifs et médecins veulent savoir quel est le taux normal d'hémoglobine pour un athlète et quel taux lui permet de gagner. Ils s'interrogent sur l'anémie du sportif et l'hémolyse due au pied qui frappe le sol. Ils se demandent si un faible taux de ferritine entraîne une fatigue. Ils veulent des conseils pour prévenir, diagnostiquer et traiter l'anémie ferriprive. Ils veulent savoir si donner du sang nuit à la performance sportive. Ils veulent aussi avoir les dernières nouvelles sur le dopage sanguin et savoir comment le dépister. Cet article tente de répondre à toutes ces questions

BILAN DE LA RECHERCHE

Anémie du sportif
Les athlètes, surtout les athlètes d'endurance, ont tendance à avoir un faible taux d'hémoglobine comparativement aux valeurs normales dans la population en général. Étant donné que l'anémie se caractérise par un faible taux d'hémoglobine sanguin, on appelle ce phénomène anémie du sportif.

Mais ce terme n'est pas approprié, car pour la plupart des athlètes, en particulier chez les hommes, le faible taux d'hémoglobine est une fausse anémie. Le volume total de globules rouges est normal, et non peu élevé. Le taux d'hémoglobine baisse, car l'exercice aérobie augmente le volume plasmatique de référence; ce phénomène diminue le taux de globules rouges, les cellules qui contiennent l'hémoglobine. En d'autres mots, le taux d'hémoglobine naturellement plus bas d'un athlète d'endurance est une pseudo-anémie par dilution.

La pseudo-anémie est une adaptation à l'hémoconcentration qui se produit pendant l'entraînement. Un exercice vigoureux diminue largement le volume plasmatique de 10 à 20 %, et de trois façons. D'abord, une hausse de la pression artérielle et de la compression musculaire des veinules augmente la pression des fluides dans les capillaires des muscles sollicités. Ensuite, la libération d'acide lactique et d'autres métabolites dans les muscles augmente la pression osmotique tissulaire. Ces forces acheminent le fluide plasmatique du sang vers les tissus, mais pas les globules rouges. Finalement, une certaine quantité d'eau plasmatique est évacuée par sudation.

En réaction à ce phénomène, de la rénine, de l'aldostérone et de la vasopressine sont alors libérées pour conserver l'eau et le sel. De l'albumine est aussi ajoutée au sang (Nagashima et coll., 2000). Par conséquent, le volume plasmatique de référence augmente. Une seule séance d'exercice intense peut suffire à augmenter le volume plasmatique de 10 % dans les 24 heures qui suivent (Gillen et coll., 1991).

Il arrive donc fréquemment que le taux d'hémoglobine d'un athlète d'endurance soit de 1 g/dL ou même de 1,5 g/dL sous la normale. Ce phénomène peut être établi comme pseudo-anémie si certains paramètres (entraînement aérobie au niveau de la mer) sont connus, et doit se faire seulement après avoir exclu toute autre forme d'anémie. Le volume plasmatique fluctue rapidement selon l'intensité de l'exercice; en conséquence, les athlètes qui s'entraînent le plus ont les taux d'hémoglobine les plus faibles, et quand l'entraînement quotidien cesse, le taux d'hémoglobine augmente rapidement.

La pseudo-anémie est la clé de la capacité aérobie. Une hausse du volume plasmatique, ajoutée à l'adaptation du cœur de l'athlète, augmente le volume d'éjection systolique, ce qui compense largement la diminution de la concentration d'hémoglobine par unité sanguine. Ainsi, une plus grande quantité d'oxygène est acheminée vers les muscles. Résultat : un meilleur athlète

L'hémolyse due au pied qui frappe le sol
L'hémolyse due au pied qui frappe le sol se définit comme l'éclatement des globules rouges circulants (hémolyse intravasculaire) en raison de l'impact des pas. Étant donné que l'hémolyse intravasculaire se produit aussi dans d'autres sports, comme la danse aérobique, l'aviron, l'haltérophilie et même la natation, il serait plus juste de l'appeler hémolyse d'effort (Eichner, 2001b).

Généralement, l'hémolyse d'effort est modérée; elle diminue, et dans de rares cas, épuise le taux d'haptoglobine plasmatique, une protéine qui s'unit à l'hémoglobine et prévient la perte de fer dans l'urine. Le fer issu des globules rouges lors de l'hémolyse est ensuite recyclé et lié à l'hémoglobine des jeunes globules rouges, ce qui fait que l'anémie est plutôt rare. De fait, une recherche effectuée auprès de cyclistes d'élite laisse supposer que l'hémolyse d'effort est bénéfique, car elle permet de se débarrasser des vieux globules rouges rigides et stimule la production compensatrice de jeunes globules rouges déformables qui passent plus facilement dans la microcirculation (Smith et coll., 1999).

Le diagnostic d'hémolyse d'effort repose sur trois facteurs : 1) augmentation de la taille moyenne des globules rouges, signe de globules plus jeunes; 2) augmentation du nombre de réticulocytes (globules rouges jeunes); et 3) faible taux d'haptoglobine sanguin. Le frottis sanguin est normal ou comporte quelques rares globules rouges à bords dentelés. La présence d'hémoglobine dans l'urine est rare.

Afin de diminuer l'impact des pas, le traitement de l'hémolyse due au pied qui frappe le sol consiste à : 1) porter des chaussures de course à coussin amortisseur; 2) perdre du poids; 3) courir en mettant peu de poids sur les pieds; et 4) courir sur des surfaces molles, comme le gazon ou des chemins de terre. Nous ne savons pas encore comment freiner l'hémolyse d'effort dans les autres sports.

Anémie ferriprive
Nous avons vu que l'anémie du sportif est une fausse anémie et que l'hémolyse d'effort ne provoque presque jamais d'anémie. Une carence en fer est donc la principale cause d'anémie chez les athlètes, et une cause fréquente de fatigue chez les athlètes féminines. Une carence en fer, un constituant essentiel de l'hémoglobine, peut entraîner un faible taux d'hémoglobine.

Fatigue d'effort. La fatigue se manifeste de toutes sortes de façons. Les patients déprimés se sentent fatigués au lever. Les patients qui se rétablissent d'une mononucléose ou d'une hépatite virale se sentent revigorés au lever, mais sont fatigués plus tard et ont besoin d'une sieste. Les patients qui souffrent d'anémie ne se sentent fatigués qu'après un effort (Eichner, 2001a).

L'anémie modérée peut n'être démasquée que par un exercice exténuant. C'est ce qui s'est passé pour trois athlètes universitaires dont l'anémie a été difficile à diagnostiquer (Eichner et Scott, 1998). L'un d'eux était un coureur d'élite qui s'est mis à perdre des courses. Un autre était un joueur de balle molle qui a consulté un cardiologue pour des palpitations cardiaques et de l'essoufflement pendant l'entraînement. Le troisième était un joueur de basketball qui ne se montrait pas à la hauteur de son talent pendant l'entraînement et qui était classé comme sous-performant. Dans chaque cas, le coupable était une perte d'endurance due à l'anémie ferriprive.

Importance de la carence en fer. Un récent sondage effectué auprès de 25 000 Américains a révélé qu'environ 10 % des jeunes femmes souffraient d'une carence en fer et que 3 à 5 % d'entre elles étaient anémiques. Par contre, l'anémie ferriprive est rare chez les hommes qui perdent biologiquement peu de fer (Looker et coll., 1997).

L'anémie est relative.

D'après ce dernier sondage, l'anémie correspond chez les femmes à un taux d'hémoglobine inférieur à 12 g/dL. Cette limite conventionnelle fait abstraction du fait que l'anémie est relative - un aspect souvent redécouvert en médecine sportive, comme dans le cas dans deux études récentes. Dans l'une de ces études, de jeunes femmes ayant un faible taux de ferritine dans le sang (un indicateur des réserves de fer dans l'organisme), mais un taux d'hémoglobine supérieur à 12 g/dL, ont reçu du fer ou un placebo pendant 6 semaines d'entraînement. La forme physique des sujets ayant reçu du fer s'est améliorée et ces femmes ont pédalé plus rapidement. Leur hémoglobine tendait à augmenter, améliorant ainsi leur « efficacité énergétique ». Conclusion : il est possible que les femmes dont le taux d'hémoglobine est supérieur à 12 g/dL soient « fonctionnellement anémiques » (Hinton et coll., 2000)

Les chercheurs ont aussi mesuré le VO2max dans deux groupes de jeunes femmes dites « non anémiques », car leur taux d'hémoglobine était supérieur à 12 g/dL (Zhu et coll., 1997). Une carence en fer (taux de ferritine inférieur à 12 µg/L) a été observée dans un groupe, mais pas dans l'autre. Le premier groupe avait un VO2max inférieur à celui du deuxième groupe, mais son taux d'hémoglobine était aussi inférieur (moyenne de 13,6 g/dL comparativement à 14,5 g/dL). Même si toutes les femmes qui manquaient de fer avaient un taux d'hémoglobine supérieur à 12 g/dL, certaines étaient anémiques comparativement à celles dont les réserves en fer étaient suffisantes.

Dépistage chez les athlètes féminines. Nous avons vu que l'anémie est relative. Dans les études ci-dessus, de légères différences dans les taux d'hémoglobine, par ailleurs tous supérieurs à 12 g/dL, ont eu des effets sur la performance athlétique. Un taux d'hémoglobine inférieur au taux normal d'une personne en particulier définit le mieux ce qu'est l'anémie. Par exemple, une athlète féminine ayant un taux d'hémoglobine de 13 g/dL est anémique si son taux normal est de 14 g/dL. Aucune valeur seuil ne vient définir l'anémie.

Corollaire : l'anémie ferriprive est bien plus fréquente que ne le laissent entendre les sondages. Plus une athlète en demande à son corps, plus elle est susceptible de ressentir une fatigue d'effort si elle souffre d'une anémie modérée. C'est pour cette raison que les athlètes féminines peuvent bénéficier d'un programme de dépistage régulier. À l'Université d'Oklahoma, un programme de dépistage annuel permet de vérifier les taux d'hémoglobine et de ferritine des athlètes féminines. Jusqu'à 10 à 20 % des athlètes féminines souffrent d'une carence en fer en première année. La plupart d'entre elles sont anémiques, certaines ayant un taux d'hémoglobine inférieur à 12 g/dL, d'autres, un taux supérieur à 12 g/dL.

Par exemple, il y a deux ans, 20 % des joueuses de volleyball et de basketball souffraient d'une anémie ferriprive avec un taux d'hémoglobine inférieur à 12 g/dL, tout comme une proportion étonnante de 50 % (8 sur 16) de nos joueuses de soccer. Une neuvième joueuse de soccer avait un taux d'hémoglobine de 13,2 g/dL, mais un faible taux de ferritine. Après avoir reçu du fer, son taux d'hémoglobine a augmenté à 15,1 g/dL, et son endurance a aussi augmenté.>

L'anémie ferriprive, souvent modérée et subtile, est donc fréquente chez les athlètes féminines. Par contre, elle est rare chez les athlètes masculins. Nous ne leur offrons pas de programme de dépistage de l'anémie.

L'œuf ou la poule? Est-ce qu'être athlète entraîne une carence en fer ou une carence en fer peut-elle être seulement dépistée par l'athlète? La deuxième hypothèse semble la plus probable. L'anémie chez les athlètes, notamment chez des coureuses de fond, semble être généralement due à un apport alimentaire insuffisant en fer pour répondre à leurs besoins physiologiques. Le rôle de la perte en fer par sudation ou de la perte de sang dans l'urine ou les intestins fait l'objet de discussions. Une étude a montré que la perte par sudation reste modeste (Waller et Haymes, 1996). Lors d'un exercice modéré d'une heure par temps chaud, des athlètes féminines n'ont perdu qu'environ 6 % du fer généralement absorbé chaque jour. La perte de fer dans l'urine chez les athlètes est négligeable, mais certains athlètes perdent du sang dans le tractus gastro-intestinal.

Saignement gastro-intestinal. Environ 2 % des marathoniens ou triathlètes ont constaté la présence de sang dans leurs selles après une course, et environ 20 % des coureurs de fond ont du sang occulte dans la première selle après une course. Des traces de sang dans les selles ont été trouvées deux fois ou plus au cours d'une saison de compétition chez environ la moitié des coureurs universitaires de cross-country et des cyclistes (Eichner, 2001b). Chez des coureurs de fond de l'élite masculine ayant de faibles réserves de fer, Nachtigall et coll. (1996) ont quantifié la perte de sang gastro-intestinale à l'aide d'un radiomarquage du fer dans les globules rouges et de la collecte ultérieure des selles. Les jours de repos, la perte de sang gastro-intestinale était de 1 à 2 mL/j. Les jours de course, elle s'élevait à une moyenne de 5 à 6 mL/j. La perte de sang était davantage liée à l'intensité de l'effort qu'à la course de fond.

Quelle est la cause de ce type de saignement? Il pourrait s'agit d'une gastrite. Par exemple, des analyses endoscopiques, dont l'une a été effectuée après le marathon de Chicago, ont montré des érosions superficielles de la paroi de l'estomac après la course. Ces lésions guérissent vite. La colite ischémique pourrait être plus menaçante encore.

La colite ischémique. Cette source de saignement gastro-intestinal provoque des crampes dans le bas de l'abdomen et une diarrhée sanglante pendant une course ou un entraînement intensif. Il est probable que la colite hémorragique découle en partie d'une grave déshydratation et d'une diversion physiologique du sang de l'intestin vers les muscles lors d'un exercice intense.

La colite ischémique peut nécessiter une excision partielle du côlon, comme c'est arrivé à une coureuse de fond et à deux athlètes d'élite lors de l'Ironman d'Hawaï. Une colite ischémique plus légère qui réagit bien au traitement traditionnel est toutefois plus fréquente. Uta Pippig a été hospitalisée pour une colite ischémique après avoir remporté le 100e marathon de Boston. Grâce à un traitement de soutien, ses symptômes ont rapidement disparu (Lucas et Schroy, 1998).

De fréquents épisodes de saignement gastro-intestinal lié à l'exercice peuvent contribuer à l'anémie. Étant donné que les femmes ont tendance à consommer et à emmagasiner moins de fer que les hommes, les athlètes féminines risquent davantage que les hommes de développer une anémie après plusieurs épisodes de léger saignement.

Diagnostic et traitement. Le diagnostic de l'anémie ferriprive repose sur les facteurs suivants : 1) un taux d'hémoglobine faible ou limite, mais un taux aussi élevé que 13 à 13,5 g/dL chez les femmes peut être considéré comme de l'anémie; 2) des globules rouges plus petits que la normale; et 3) un faible taux de ferritine dans le sang, souvent inférieur à 12 µg/L. Le traitement consiste à prendre 325 mg de sulfate de fer deux ou trois fois par jour avec les repas. Après quelques jours, le taux d'hémoglobine devrait augmenter d'environ 1 g/dL chaque semaine. Le taux devrait atteindre la moitié de la valeur normale après trois semaines et être entièrement normal deux semaines plus tard.>

Le supplément de cet article contient des conseils pratiques sur : 1) Les comportements et les circonstances qui prédisposent à un faible taux de fer alimentaire biodisponible, donc à l'anémie, chez les athlètes féminines et 2) les moyens d'obtenir plus de fer par l'alimentation.

Si une athlète féminine souffre toujours d'anémie même si elle a respecté les consignes de diététistes, elle doit prendre 325 mg de sulfate de fer deux ou trois fois par semaine (Tableau 1); les hommes ne devraient pas prendre de supplément de fer (Tableau 2). Toutes choses étant par ailleurs égales, les femmes qui perdent plus de 60 mL de sang lors d'une menstruation risquent davantage de développer une anémie. Les contraceptifs oraux peuvent limiter les pertes menstruelles.

Tableau 1. Traitement de l'anémie ferriprive
  • Athlète féminine : en cas de doute, prendre un traitement!
  • Preuve d'anémie ferriprive : le taux d'hémoglobine augmente de 1 g/dL ou plus avec un apport en fer
  • De préférence, prendre du sulfate de fer (65 mg de fer élémentaire par comprimé)
  • Mise en garde : plus le comprimé contient de fer, plus le risque d'intolérance gastro-intestinale est élevé
  • Commencer par 1 comprimé au souper pendant 3 jours, puis augmenter la dose selon la tolérance
  • Sujet non anémique, mais avec un faible taux de ferritine : prendre des comprimés One-a-Day Women's™ (27 mg de fer)
  • Tableau 2. Surcharge en fer : différence entre hommes et femmes
  • Les hommes risquent deux fois plus une surcharge en fer, pouvant entraîner une insuffisance hépatique, qu'une carence en fer.
  • Un homme blanc sur 200 porte les gènes de l'hémochromatose (surplus de fer)
  • Les patients atteints d'hémochromatose absorbent de deux à trois fois trop de fer alimentaire chaque jour
  • Les suppléments de fer peuvent accélérer l'apparition de problèmes cliniques chez ces patients
  • Les femmes risquent 20 fois plus d'avoir une carence en fer qu'une surcharge en fer
  • De nombreuses femmes ont besoin de plus de fer, contrairement aux hommes qui en ont plus qu'il leur en faut
  • Faible taux de ferritine. Certains athlètes croient qu'un faible taux de ferritine cause automatiquement de la fatigue. Ce n'est pas vrai. La ferritine n'a aucune fonction plasmatique. Sa présence dans le plasma est due au débordement des cellules et elle ne sert qu'à indiquer la quantité de fer dans le sang. La ferritine joue son rôle dans les cellules; c'est la protéine qui « emprisonne » le fer et l'emmagasine de façon sécuritaire. Si les réserves de fer augmentent, le taux de ferritine augmente - dans les cellules et dans le plasma. Si les réserves de fer diminuent, le taux de ferritine baisse. Mais si le taux d'hémoglobine est normal, un faible taux de ferritine n'entraîne pas de la fatigue. Un taux de ferritine anormal n'entraîne aucun symptôme.

    Donner du sang
    Certains coureurs se demandent si donner 473 L (une pinte) de sang ralentira leur cadence. Oui. À titre d'exemple, remarquer les différences entre l'effet du dopage sanguin et l'effet du don de sang.

    Le dopage sanguin a un effet ergogène. Dans l'étude la mieux contrôlée à ce jour sur le dopage par érythropoïétine (EPO) humaine recombinante, 20 athlètes d'endurance masculins ont reçu de l'EPO ou un placebo pendant 4 semaines. Lors d'un court essai à vélo à intensité progressive, l'hématocrite du groupe ayant pris l'EPO a augmenté de 19 % (passant de 43 % à 51 %), le VO2max, de 7 % et le temps jusqu'à l'épuisement, de 9 %. Les bienfaits ergogènes ont duré jusqu'à 3 semaines après avoir cessé l'administration de l'EPO (Birkeland et coll., 2000).

    Le don de sang a un effet ergolytique. Si le dopage sanguin est ergogène - autrement dit, s'il améliore l'endurance -, le don de sang a un effet ergolytique : il diminue l'endurance. Par exemple, Panebianco et coll. (1995) ont analysé les résultats obtenus par 10 cyclistes masculins qui ont participé à un court essai de cyclisme à intensité progressive jusqu'à l'épuisement. Puis, ils ont donné 473 mL (une pinte) de sang et ont refait le test à trois reprises, soit 2 heures, 2 jours et 1 semaine plus tard. Lors de ces derniers tests, leur performance avait diminué de 8 %, 8 % et 7 %, respectivement, par rapport à la valeur de départ. En d'autres termes, la performance « ressemblant » à celle d'une course était encore moins bonne 1 semaine après le don de sang.

    Donner ou ne pas donner? Les athlètes de compétition devraient savoir que le don de sang est altruiste, mais qu'il a aussi un effet ergolytique. Heureusement, des données empiriques permettent de croire que la performance du coureur revient à la normale 2 à 4 semaines après le don de sang. Donner du sang épuise les réserves de fer. Les athlètes féminines qui donnent régulièrement du sang risquent de souffrir d'anémie, à moins qu'elles ne consomment une grande quantité de fer.

    Dopage sanguin
    L'entraînement en altitude est un moyen légal, éthique et à la mode pour « enrichir le sang », ou accroître son taux d'hémoglobine. Une étude sur le terrain laisse supposer que les coureurs qui « vivent en haute altitude et qui s'entraînent à basse altitude » ont un certain avantage sur ceux qui vivent et s'entraînent au niveau de la mer ou ceux qui vivent et s'entraînent en haute altitude. Autrement dit, vivre en haute altitude et s'entraîner à basse altitude peut permettre de gagner quelques secondes sur un parcours de 5 km, le gain étant proportionnel à l'augmentation de la capacité maximale d'absorption de l'oxygène (Levine et Stray-Gundersen, 1997).

    Si l'entraînement en altitude est légal, l'EPO ne l'est pas. Toutefois, les athlètes continuent d'utiliser de l'EPO pour enrichir leur sang. À partir de 1987, date d'apparition de l'EPO en Europe, et pendant les années 1990, près de 20 cyclistes européens sont morts, le plus souvent de façon soudaine et inattendue. L'EPO a été jugée responsable de certains de ces décès. Les cyclistes le nient, mais le scandale du Tour de France de 1998 a révélé que l'utilisation de l'EPO était largement répandue. Il est fort probable que de nombreux coureurs cyclistes y recourent toujours. Les marathoniens, les triathlètes et les skieurs utilisent aussi de l'EPO.

    Le problème, c'est que l'EPO augmente trop le taux d'hémoglobine, qu'elle augmente le travail cardiaque et qu'elle présente un risque de coagulation sanguine. Elle peut aussi augmenter la pression artérielle pendant un exercice. Pour décourager le recours à l'EPO et protéger les athlètes d'eux-mêmes, les fédérations de ski et de cyclisme font des prélèvements sanguins avant les courses et interdisent aux athlètes dont le taux d'hématocrite (pourcentage de globules rouges dans un échantillon de sang) est élevé d'y participer.

    La vérification du taux d'hématocrite avant une course ne fait qu'inciter les athlètes à « se doper jusqu'à la limite » et à diluer leur sang juste avant le test d'hématocrite en s'injectant une solution saline ou un expanseur du volume plasmatique. Lors du plus gros scandale de dopage de l'histoire finlandaise, six skieurs de fond de haut niveau ont eu des résultats positifs lors du test portant sur un expanseur du volume plasmatique interdit. Les athlètes se sont même injecté du « sang artificiel » (composés perfluorés; hémoglobine bovine polymérisée) en espérant augmenter le taux d'oxygène dans leurs muscles.

    Aux Jeux olympiques de Sydney, le Comité international olympique a utilisé pour la première fois un test de dépistage de l'EPO en deux étapes. La première est constituée d'une analyse sanguine utilisant des marqueurs d'érythropoïèse accélérée (p. ex. taille des globules rouges, numération des réticulocytes, récepteur de transferrine soluble). Une telle analyse sanguine ne peut toutefois que permettre de supposer l'utilisation de l'EPO, elle ne peut pas le prouver (Cazzola, 2000).

    La seconde étape consiste à faire une analyse d'urine, soit un immunobuvardage d'EPO après focalisation isoélectrique. L'analyse d'urine peut montrer qu'il y a eu utilisation d'EPO (Lasne et de Ceauzziz, 2000). Mais à Sydney, le problème est que les deux analyses devaient être positives et, étant donné la courte durée de vie de l'EPO, l'analyse d'urine était négative 3 à 4 jours après que l'athlète a cessé de l'utiliser. Aucun athlète n'a donc été trouvé coupable de dopage à Sydney. À l'heure actuelle, des analyses d'urine sont effectuées toute l'année, à l'improviste et en dehors des compétitions, ce qui permet de réfréner l'utilisation d'EPO par les athlètes.

    Certains athlètes utilisent des caissons ou des tentes hypobares pour enrichir leur sang. L'idée étant de « vivre en haute altitude et de s'entraîner à basse altitude » sans avoir besoin de vivre en montagne. Les athlètes vivent au niveau de la mer, là où l'oxygène est abondant et permet de soutenir un entraînement intensif. Mais ils dorment dans des chambres hermétiques remplies d'air mélangé à de l'azote pour faire baisser la proportion d'oxygène dans l'air de 21 % à 15 %, ce qui entraîne une augmentation de l'EPO endogène qui, à son tour, augmente le taux d'hémoglobine. Les chambres hypobares sont légales et nombreux sont ceux qui les prétendent éthiques - il s'agit pour ces derniers que d'une autre avancée technologique au même titre que les patins clap. Mais sont-elles sans danger? Est-il juste de les utiliser? Obtenir la gloire, mais à quel prix?

    • L'anémie du sportif est un bienfait, pas un préjudice.
    • Le problème de l'hémolyse d'effort est généralement insignifiant, car il est rare qu'elle entraîne une anémie.
    • La carence en fer est fréquente chez les athlètes féminines et peut entraîner une fatigue d'effort, même avec un taux d'hémoglobine qui semble normal. Il est essentiel de savoir que l'anémie est relative et que ses signes sont subtils. Détecter et traiter l'anémie chez les athlètes permet d'augmenter leur endurance; ainsi, ils peuvent donner le meilleur d'eux-mêmes.

    RÉSUMÉ

    Résumons les trois types d'anémie chez les athlètes. L'anémie du sportif est en fait un terme non approprié, il s'agit d'une fausse anémie, d'une pseudo-anémie de dilution. Elle est due à l'expansion du volume plasmatique de référence, une adaptation capitale de la capacité aérobie. D'un point de vue clinique, l'hémolyse due au pied qui frappe le sol, plus justement appelée hémolyse d'effort, est une préoccupation mineure, car elle est modérée, elle diminue rarement les réserves de fer et ne cause presque jamais d'anémie. L'anémie ferriprive, quant à elle, est une cause fréquente de fatigue d'effort chez les athlètes féminines. Par conséquent, notre analyse a davantage porté sur la façon de diagnostiquer, de traiter et de prévenir l'anémie ferriprive. Certains aspects associés au don de sang ont aussi été abordés. Finalement, notre analyse a porté sur le dopage sanguin. Les athlètes d'endurance continuent d'utiliser l'EPO et autres méthodes pour enrichir le sang et dissimuler le dopage. Si elle était utilisée pendant toute l'année et à l'improviste, l'analyse d'urine pourrait réfréner le recours à l'EPO chez les sportifs. La nature humaine étant ce qu'elle est, certains athlètes continuent sans doute de tricher pour gagner - au risque d'en mourir.

    REFERENCES

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    IRON DEFIENCY ANEMIA IN WOMEN ATHLETES
    Sports Science Exchange 81
    Supplement VOLUME 14 - (2001) NUMBER 2


    Iron deficiency is the foremost cause of true anemia—low blood hemoglobin—and a common cause of fatigue in female athletes. (True anemia is rare in men.) Iron is a critical component of hemoglobin, so low iron can lead to low hemoglobin. About 10% of all young women are iron deficient and 3-5% anemic by conventional diagnostic criteria (which miss mild anemia), but as many as 50% of some women's athletic teams can be anemic due to iron deficiency. Interestingly, athletes with anemia feel fatigued only with exertion. The conventional cutoff for anemia is a hemoglobin concentration of less than 12 g/dL, but some women with iron deficiency—but supposedly "normal" hemoglobin—can be "functionally" anemic. These women improve their aerobic capacity and their exercise performance after iron supplementation. Accordingly, anemia is best defined as a subnormal hemoglobin level for the individual. For example, a female athlete with a hemoglobin value of 13 g/dL is anemic if her normal value is 14 g/dL. No firm cutoff value defines anemia.

    This supplement has practical tips on: 1) Factors that predispose female athletes to low dietary bioavailable iron and so anemia, and 2) Ways to get more iron from the diet. When a female athlete develops anemia despite dietary tips, her physician may recommend supplementation with ferrous sulfate, 325 mg two or three times a week.

    Factors Associated with Low Bioavailable Dietary Iron
    • Chronic undereating (