SSE #135: Surveillance de la fatigue et récupération

Shona L. Halson

POINTS PRINCIPAUX

  • Une surveillance appropriée de la charge peut aider à déterminer si un athlète adapte son programme d'entraînement et à réduire le risque de développer une tension excessive non fonctionnelle (une fatigue qui dure des semaines et des mois), des maladies et/ou des blessures.
  • La recherche a permis d'identifier un certain nombre d'outils de quantification et de surveillance de la charge externe, tels que les dispositifs de mesure de l'effort et l'analyse des temps et mouvements, ainsi que des mesures des unités de charge interne, notamment la perception de l'effort, la fréquence cardiaque, la concentration de lactate et les impulsions lors de l'entraînement. La distinction entre les unités de charge externe et interne peut révéler l'état de fatigue d'un athlète.
  • La récupération de la fréquence cardiaque, la fonction neuromusculaire, les évaluations biochimiques/hormonales/immunologiques, les questionnaires et les carnets d'écoute, la vitesse psychomotrice, la qualité et la durée du sommeil sont d'autres outils de surveillance utilisés par les programmes de haut niveau.
  • L'approche de la surveillance adoptée avec les athlètes peut dépendre de leur engagement dans des activités sportives individuelles ou collectives, mais on ne soulignera jamais assez l'importance de l'individualisation de la surveillance de la charge.
  • Détecter les changements significatifs à l'aide d'approches scientifiques et statistiques peut donner de la confiance et de la certitude lors de la mise en place du changement.
  • Une surveillance appropriée de la charge d'entraînement peut fournir des renseignements importants aux athlètes et aux entraîneurs; cependant, les systèmes de surveillance doivent être intuitifs et doivent offrir une analyse et une interprétation efficaces des données et permettre d'établir efficacement des rapports simples, mais scientifiquement valides. 

INTRODUCTION

À mesure que les athlètes s'efforcent d'améliorer leur performance, les modifications de la charge d'entraînement deviennent nécessaires et, plus précisément, la charge augmente en termes de fréquence, de durée et d'intensité. Les charges d'entraînement sont gérées à différents moments du cycle d'entraînement afin d'augmenter ou de réduire la fatigue selon la phase d'entraînement (c'est-à-dire, la phase de base ou de compétition). Il est essentiel de s'assurer que la fatigue est correctement ajustée à la fois pour les adaptations de l'entraînement et la performance en compétition.

Surveiller signifie généralement observer et vérifier le progrès ou la qualité de quelque chose sur une période de temps donnée. Définir de façon spécifique la surveillance des athlètes peut prêter à confusion : s'agit-il des évaluations uniques et ponctuelles (c'est-à-dire, une évaluation annuelle de la nutrition) ou d'une surveillance de routine plus fréquente? Pour les besoins de cet article, l'évaluation d'un athlète sera considérée comme relevant de la surveillance si 1) l'évaluation a lieu plus d'une fois et si 2) les évaluations ont lieu avec une fréquence suffisante pour donner les renseignements désirés et pertinents à l'athlète, à l'entraîneur ou au scientifique. 

La surveillance de la charge d'entraînement d'un athlète est largement considérée comme étant importante pour déterminer si un athlète s'adapte à un programme d'entraînement et réduire le risque de tension excessive non fonctionnelle (une fatigue qui dure des semaines et des mois), de blessures et de maladies (Halson et Jeukendrup, 2004). À ce jour, la recherche dans ce domaine est limitée et une grande partie de nos ressources concernant la surveillance provient de l'expérience personnelle et de renseignements anecdotiques.

SURVEILLANCE DE LA CHARGE

Raisons pour et contre la surveillance de la charge

Comme mentionné ci-dessous, il existe plusieurs raisons expliquant pourquoi la surveillance de la charge d'entraînement devient de plus en plus une approche scientifique moderne pour comprendre les athlètes, les réponses à l'entraînement et le degré de préparation à la compétition. Malgré le manque de données en matière de publications sur les athlètes de haut niveau, la surveillance de la charge d'entraînement peut fournir une explication des changements de performance si elle est effectuée à l'aide de principes scientifiques. Cela peut contribuer à améliorer la clarté et la confiance concernant les raisons possibles derrière les changements de performance et à réduire le degré d'incertitude lié à ces changements. Ces données permettent non seulement d'examiner rétrospectivement les relations entre la charge et la performance, mais aussi de planifier correctement les charges d'entraînement et les compétitions.  Plus important encore, la surveillance de la charge est également mise en place pour essayer de réduire le risque de blessure, de maladie ou de tension excessive non fonctionnelle. Les données peuvent également être utiles pour la sélection de l'équipe et pour identifier les athlètes prêts pour les exigences de la compétition.

D'autres avantages concernent également la communication et la construction de relations avec les athlètes, le personnel d'assistance et les entraîneurs. La participation des athlètes à la surveillance peut augmenter leur sens de l'implication dans le programme d'entraînement pour qu'ils se sentent mieux habilités, tout en développant un sentiment d'appropriation. Les données recueillies de la surveillance des entraînements peuvent également être utiles pour faciliter la communication entre le personnel d'assistance et le personnel d'entraîneurs. Une fois combinés, ces avantages peuvent aider à affermir la confiance dans le programme d'entraînement.

Toutefois, tous les entraîneurs et les scientifiques n'adoptent pas la surveillance des athlètes. Pour certains athlètes et certaines équipes, l'insuffisance des ressources peut être une raison majeure de ne pas introduire un système de surveillance des entraînements. Les ressources peuvent être le temps, l'argent ou les ressources humaines nécessaires pour recueillir, traiter et analyser les données. En outre, puisqu'il n'existe aucune garantie que la surveillance de la charge d'entraînement se traduira par de bonnes performances, il se peut que les ressources soient refusées. Un manque de connaissances ou d'expérience concernant les techniques de surveillance peut également causer une incapacité à mettre en place un système pratique et durable et/ou à interpréter les données recueillies. De plus, il est nécessaire d'identifier de façon claire et rationnelle la raison pour laquelle la surveillance a lieu, ce qui sera surveillé, la fréquence à laquelle la surveillance aura lieu et la manière avec laquelle les données seront interprétées et présentées au personnel d'entraîneurs.  Enfin, la capacité et l'opportunité de mettre en place les changements et de fournir des commentaires sont cruciales pour le succès du système de surveillance; si ce n'est pas le cas, les nombreuses tentatives de surveillance peuvent rester infructueuses.

Mesures potentielles de surveillance de la charge

Pour mieux comprendre la charge d'entraînement et son effet sur l'athlète, les athlètes, les entraîneurs et les scientifiques disposent d'un certain nombre d'indicateurs potentiels. Cependant, un nombre infime de ces indicateurs possède une assise scientifique légitimant leur utilisation, mais il existe néanmoins un seul indicateur définitif décrit dans la littérature. Pour évaluer la fatigue, il semble que le meilleur test en termes de validité écologique serait un test de performance maximale reproduisant l'événement/la compétition de l'athlète. Cependant, il existe de nombreuses difficultés concernant les tests de performance maximale chez les athlètes.  Les tests de performance maximale peuvent accentuer la fatigue d'un athlète, ce qui peut s'avérer problématique lors des phases de compétition. Un échelonnement peut également être nécessaire pour déterminer les capacités de performance réelles, ce qui est souvent peu pratique. Lorsqu'ils sont fatigués, les athlètes peuvent également manquer de motivation pour produire un effort maximal non destiné à des fins de compétition. Dans beaucoup de sports, notamment les sports collectifs, il est également extrêmement difficile de reproduire, voire de définir la performance maximale (Taylor, 2012). Enfin, si l'évaluation porte uniquement sur la performance maximale, très peu de renseignements peuvent être recueillis concernant le(s) mécanisme(s) de fatigue potentiel(s).  Le tableau 1 souligne un certain nombre de variables qui peuvent être utilisées pour surveiller la charge d'entraînement et la fatigue qui en résulte.


Charge interne / externe

Lors de la surveillance de la charge d'entraînement, les unités de charge peuvent être considérées comme étant externes ou internes. Traditionnellement, la charge externe a été à la base de la plupart des systèmes de surveillance. La charge externe est définie comme étant l'effort fourni par l'athlète et mesuré indépendamment des caractéristiques internes de l'athlète (Wallace et al., 2009). Un exemple de la charge externe dans le cyclisme sur route serait l'intensité de l'effort réalisée pour une durée donnée (par exemple, 400 W pendant 30 minutes). Bien que la charge externe soit importante pour comprendre l'effort réalisé et les aptitudes et capacités de l'athlète, la charge interne, c'est-à-dire le stress physiologique et psychologique relatif imposé, est également essentielle pour déterminer la charge d'entraînement et l'adaptation qui en découle. Étant donné que les charges externe et interne permettent toutes les deux de comprendre la charge d'entraînement de l'athlète, une combinaison des deux peut s'avérer importante pour la surveillance de l'entraînement. En effet, il se peut que la relation entre les charges externe et interne soit la clé pour déceler la fatigue.  Par exemple, dans la charge externe mentionnée ci-dessus dans le cyclisme, l'intensité de l'effort peut être maintenue pour la même durée; toutefois, selon l'état de fatigue de l'athlète, le même résultat peut être atteint avec une fréquence cardiaque supérieure ou inférieure ou une perception de l'effort élevée ou basse. C'est ce découplage ou cette divergence des charges externe et interne qui peut permettre de distinguer entre un athlète frais et un athlète fatigué (Pyne et Martin, 2011).

MÉTHODES DE SURVEILLANCE DE LA CHARGE EXTERNE

Pour mieux comprendre la charge d'entraînement externe, les athlètes et les entraîneurs disposent d'un certain nombre de technologies. Dans le cyclisme, les dispositifs de mesure de l'intensité de l'effort, tels que SRM™ and PowerTap™, permettent d'effectuer des mesures en continu de l'intensité de l'effort (Jobsen et al., 2009). L'effort à l'entraînement et en compétition peut être enregistré et les données peuvent être analysées pour fournir des renseignements sur un certain nombre de paramètres tels que la puissance moyenne, la puissance normalisée, la vitesse et les accélérations. L'intensité de l'effort dans le cyclisme peut être convertie en Training Stress Score™ (TSS™) via un logiciel disponible dans le commerce (Pyne et Martin, 2011) et permet de quantifier l'entraînement en fonction de l'intensité, de la durée et de la fréquence relatives.

Dans les sports collectifs, l'analyse des temps et mouvements (TMA), notamment le suivi par le système de localisation GPS et l'analyse des schémas de mouvements par la vidéo numérique (comme ProZone™), est de plus en plus populaire pour surveiller les athlètes (Taylor, 2012), surtout pendant les compétitions. Généralement, lors de l'utilisation de la TMA dans la surveillance; des seuils de vitesse arbitraires sont définis (Lovell et Abt, 2013). Ces catégories peuvent inclure la marche, le jogging, la course à pied, la marche à grandes enjambées, les sprints, etc.  (Aughey, 2011). La fiabilité du GPS pour surveiller les mouvements est influencée par des facteurs tels que le taux d'échantillonnage, la vitesse, la durée de la tâche et le type de la tâche (Aughey, 2011). D'après la littérature disponible, il semble que plus la vitesse des mouvements est grande, moins les mesures du GPS sont fiables (Aughey, 2011). En outre, la fiabilité diminue également dans  l'évaluation des tâches nécessitant des changements de direction et le GPS ne quantifie pas la charge des actions telles que sauter, frapper une balle et effectuer un tacle (Aughey, 2011).

Fonction neuromusculaire 

Les mesures de la fonction neuromusculaire telles que les tests de force de saut (saut à contre-mouvement/en position accroupie), la performance au sprint et la dynamométrie isocinétique et isoinertielle, sont souvent utilisées dans les sports collectifs (Twist et Highton, 2013). Ces évaluations sont devenues populaires en raison de leur simplicité et de la faible quantité de fatigue supplémentaire qu'elles induisent. Les variables communes dans les mesures relatives aux tests de force de saut comprennent l'intensité moyenne, la vitesse maximale, la force maximale, la hauteur de saut, la durée de vol, la durée de contact et le taux de développement de la force (Taylor, 2012; Twist et Highton, 2013).

MÉTHODES DE SURVEILLANCE DE LA CHARGE INTERNE

Perception de l'effort

L'intensité de l'effort perçu (IEP) est l'un des moyens les plus communs pour évaluer la charge interne. L'utilisation de l'IEP est fondée sur l'idée que les athlètes peuvent surveiller leur stress physiologique pendant l'effort et qu'ils peuvent également fournir des renseignements rétrospectifs concernant leur perception de l'effort après l'entraînement ou la compétition. Des études indiquent que l'IEP est en corrélation étroite avec la fréquence cardiaque constante et l'entraînement cycliste par intervalles à haute intensité, mais la corrélation n'est pas aussi étroite dans les entraînements techniques de courte durée et à haute intensité dans le football (Borresen et Lambert, 2009). De plus, une méta-analyse de la littérature indique que bien que l'IEP soit une méthode valide pour évaluer l'intensité de l'effort, la validité peut ne pas être aussi élevée qu'on le pensait (Chen et al., 2002).

IEP par séance

Foster (1998) a développé une méthode d'IEP par séance pour quantifier la charge d'entraînement qui consiste à multiplier l'IEP de l'athlète (sur une échelle de 1 à 10) par la durée de la séance (en minutes). Des études ont démontré que cette méthode simple est valide et fiable (Foster, 1998).  Bien que la méthode d'IEP par séance puisse être simple, valide et fiable, la surveillance de la fréquence cardiaque peut aider à comprendre certaines variations que cette méthode ne parvient pas à expliquer.

Fréquence cardiaque

Surveiller la fréquence cardiaque est l'une des méthodes les plus communes pour évaluer la charge interne chez les athlètes. L'utilisation de la surveillance de la fréquence cardiaque pendant l'effort est fondée sur la relation linéaire entre la fréquence cardiaque et l'absorption d'oxygène et l'intensité de l'effort constant (Hopkins, 1991); cependant, le pourcentage de la fréquence cardiaque maximale est souvent utilisé à la fois pour prescrire et surveiller l'intensité (Borresen et Lambert, 2008). En raison de la variation quotidienne de la fréquence cardiaque (jusqu'à 6,5 %), le contrôle des facteurs tels que l'hydratation, l'environnement et la prise de médicaments est important (Bagger et al., 2003). Seules, les mesures de la fréquence cardiaque peuvent avoir une valeur limitée, mais elles peuvent être plus crédibles quand elles sont combinées à d'autres mesures (Achten et Jeukendrup, 2003). 

Rapport entre la fréquence cardiaque et la perception de l'effort

L'examen des indicateurs physiologiques et perceptifs de la charge, à une intensité sous-maximale fixe, peut fournir des renseignements sur l'état de fatigue chez l'athlète. La combinaison des mesures de la fréquence cardiaque et de la perception de l'effort (rapport FC/IEP) peut aider à élucider la fatigue (Martin et Andersen, 2000). Par exemple, la charge interne d'un cycliste qui a une fréquence cardiaque sous-maximale réduite, combinée à une perception de l'effort élevée, peut être assez différente par rapport à un cycliste ayant un rapport FC/IEP normal (Pyne et Martin, 2011).

Impulsions lors de l'entraînement (TRIMP)

La méthode des impulsions lors de l'entraînement est souvent considérée comme une méthode utile pour évaluer la charge d'entraînement (Pyne et Martin, 2011) et représente une unité de l'effort physique calculée selon la durée de l'entraînement, la fréquence cardiaque maximale, la fréquence cardiaque au repos et la fréquence cardiaque moyenne pendant la séance d'exercice (Morton et al., 1990). D'autres méthodes dérivées du modèle TRIMP initial de Banister ont été développées. Parmi celles-ci, la méthode TRIMP d'Edwards utilise le temps accumulé dans cinq zones arbitraires de fréquence cardiaque en le multipliant par le facteur de poids (Edwards, 1993). Le modèle TRIMP de Lucia est similaire à celui d'Edwards, mais il est fondé sur trois zones de fréquence cardiaque définies selon les seuils de lactate individuellement déterminés et le début de l'accumulation de lactate dans le sang (Lucia et al., 2000). En outre, l'utilisation d'un modèle TRIMP individualisé (iTRIMP) a été développée pour les coureurs (Manzi et al., 2009) et récemment testée chez les joueurs de football (Akubat et al., 2012). L'utilisation du modèle iTRIMP réduit les problèmes associés aux zones arbitraires et aux poids génériques. 

Concentrations de lactate

Les concentrations de lactate dans le sang sont sensibles aux changements d'intensité et de durée de l'effort (Beneke et al., 2011). Cependant, il existe un certain nombre de limitations pour l'utilisation de la surveillance régulière des concentrations de lactate pendant l'entraînement et la compétition. Ces limitations comprennent les différences inter- et intra-individuelles concernant l'accumulation de lactate et les différences d'accumulation de lactate selon la température ambiante, l'état d'hydratation, la teneur en glycogène, l'effort précédent, la masse musculaire utilisée et les procédures d'échantillonnage (temps et site) (Borresen et Lambert, 2008).

Rapport entre lactate et perception de l'effort

À l'instar du rapport FC/IEP, le rapport lactate/IEP peut être utile pour déterminer la charge interne et identifier la fatigue chez les athlètes (Synder et al., 1993). Encore une fois, les changements observés dans ces paramètres à une charge de travail sous-maximale fixe peuvent être utilisés pour identifier les changements physiologiques et perceptifs dans la charge interne.

Récupération de la fréquence cardiaque (RFC)

Le taux de récupération de la fréquence cardiaque (RFC) est le taux auquel la fréquence cardiaque diminue à la fin de l'exercice; il est considéré comme un indicateur de la fonction autonome et du niveau d'entraînement des athlètes (Daanen et al., 2012). Le taux RFC peut être calculés sur différentes périodes, généralement entre 30 secondes et 2 minutes, la différence la plus communément utilisée étant celle entre la fréquence cardiaque à la fin de l'exercice et la fréquence cardiaque 60 secondes après l'exercice.

Dans une récente analyse portant sur la RFC et la surveillance des changements dans le niveau d'entraînement, il a été suggéré que la RFC s'améliore avec un niveau d'entraînement accru, reste inchangée lorsqu'il n'y a aucun changement dans le niveau d'entraînement et diminue lorsque celui-ci est réduit (Daanen et al., 2012). Il a été alors conclu qu'à l'exception de la tension excessive (objet de controverse dans la recherche), la RFC peut être utilisée pour surveiller l'accumulation de la fatigue chez les athlètes. Mais les considérations mentionnées ci-dessus concernant la standardisation des facteurs susceptibles d'influencer la fréquence cardiaque sont également pertinentes pour la RFC.

Évaluations biochimiques/hormonales/immunologiques

Certaines études ont été menées pour examiner un ensemble de réponses biochimiques, hormonales et immunologiques à l'effort, notamment dans le but de surveiller la fatigue et de réduire la fatigue excessive et la maladie. L'examen de la littérature relative à ce domaine dépasse le cadre de cet article, mais nous pouvons dire brièvement que l'utilisation des mesures biochimiques, hormonales et/ou immunologiques comme indicateurs de la charge interne n'est actuellement pas justifiée selon la recherche limitée dans ce domaine. De plus, ces mesures peuvent être coûteuses, chronophages et peu pratiques dans un environnement appliqué (Shetler et al., 2001). 

Questionnaires et carnets d'écoute

Les questionnaires et les carnets d'écoute peuvent être des moyens relativement simples et peu coûteux pour déterminer la charge d'entraînement et les réponses subséquentes pour l'entraînement.  Toutefois, les questionnaires et les carnets d'écoute reposent tous les deux sur des renseignements subjectifs, qui peuvent être corroborés avec des données physiologiques (Borresen et Lambert, 2009). Les athlètes peuvent manipuler les données et/ou surestimer ou sous-estimer la charge d'entraînement. Plus important encore, la fréquence de soumission des questionnaires et leur longueur doivent être prises en considération pour maximiser la conformité et éviter la « lassitude » liée aux questionnaires. Certains questionnaires identifiés dans la littérature ont été utilisés par les programmes sportifs de haut niveau (Taylor, 2012). Parmi ces questionnaires, on peut citer le Profile of Mood States (POMS) (Morgan et al., 1987), The Recovery-Stress Questionnaire for Athletes (REST-Q-Sport) (Kellmann & Kallus, 2000), Daily Analysis of Life Demands for Athletes (DALDA) (Rushall, 1990) et le Total Recovery Scale (TQR) (Kentta & Hassmen, 1998).

Bien que les questionnaires puissent fournir des renseignements subjectifs simples et souvent utiles, des facteurs doivent être pris en considération, comme la fréquence de soumission, le temps nécessaire pour répondre à la question, la sensibilité au questionnaire, le type de réponse demandée (réponses écrites ou encerclement des réponses), le moment de la journée où le questionnaire est complété et le temps nécessaire pour obtenir des commentaires appropriés. 

Sommeil

La perte ou la privation de sommeil peut avoir des effets importants sur la performance, la motivation, la perception de l'effort et la cognition, ainsi que sur de nombreuses autres fonctions biologiques. Surveiller le sommeil au niveau qualitatif et quantitatif peut être utile pour la détection précoce et l'intervention avant que des baisses importantes de la performance et de l'état de santé ne soient observées. L'utilisation de carnets d'écoute très simples indiquant les heures de sommeil et de la qualité de sommeil perçue peut être utile. D'autres méthodes non invasives telles que l'actigraphie (montre portée au poignet utilisant l'accélométrie) peut fournir des renseignements plus détaillés sur de courtes périodes (7 à 14 jours).   L'actigraphie peut fournir des données sur l'heure du coucher, l'heure du réveil, la latence du sommeil (temps mis pour s'endormir), le réveil durant le sommeil, l'efficacité du sommeil (estimation de la qualité du sommeil), ainsi que des données sur les habitudes liées au sommeil. En raison des connaissances accrues concernant l'importance sur le sommeil, la surveillance et l'évaluation du sommeil deviennent courantes pour les athlètes de haut niveau, les entraîneurs et le personnel d'assistance (Halson, 2014).

COMPARAISON ENTRE LES ATHLÈTES DES SPORTS COLLECTIFS ET DES SPORTS INDIVIDUELS

La nature de la surveillance de charge nécessaire, ou même possible, peut varier considérablement entre les athlètes des sports collectifs et des sports individuels. La surveillance dans les sports collectifs est souvent perçue comme plus difficile à cause de la diversité des activités d'entraînement (par exemple, le conditionnement général, l'entraînement de résistance, l'entraînement par intervalles et le conditionnement fondé sur les aptitudes) communément employées. De plus, l'évaluation des aptitudes et de la « charge cognitive » ou de la fatigue qui influence la prise de décision est importante pour la performance dans les sports collectifs et leur évaluation précise pose de nombreuses difficultés.

Lors de la surveillance des athlètes des sports collectifs, certaines des mesures les plus utiles incluent les changements physiologiques, l'évaluation des schémas de mouvement et les indicateurs des compétences, ces mesures étant aussi spécifiques au sport étudié que possible (Pyne et Martin, 2011). Les schémas de mouvement peuvent être évalués par l'analyse des temps et mouvements ou le suivi par GPS. Les autres difficultés liées à l'évaluation de la performance en compétition dans les sports collectifs incluent l'influence des tactiques d'équipe (y compris l'équipe adverse), les conditions environnementales, la cohésion de l'équipe, le lieu de compétition (à domicile ou en déplacement) et les déplacements.

Dans les sports individuels tels que le cyclisme, la natation et le triathlon, la fatigue est souvent le résultat de charges d'entraînements importantes et la gestion de ces charges via la surveillance peut d'avérer particulièrement important (Pyne et Martin, 2011). La surveillance de la charge est souvent fondée sur le volume, la durée et l'intensité de l'entraînement, ainsi que des indicateurs de perception de la fatigue tels que l'IEP.

UTILISATION D'UNE APPROCHE FONDÉE SUR LES SYSTÈMES

Avec l'augmentation des quantités de données disponibles grâce aux dispositifs de surveillance tels que le GPS, la vidéo numérique, les dispositifs SRM, combinés aux mesures de la charge interne telles que la fréquence cardiaque, les questionnaires et les perceptions de la fatigue, il devient nécessaire d'incorporer ces renseignements dans une base de données et un système de gestion des données qui permettent d'accéder de façon efficace à l'information importante. D'après Pyne et Martin (2011), « une approche fondée sur les systèmes qui intègre des tests de diagnostic bien choisis, avec une technologie de capteurs intelligents, une base de données en temps réel et un système de gestion des données, représente l'avenir de la gestion dans le sport d'élite. » Il existe aujourd'hui un certain nombre de systèmes de surveillance des athlètes disponibles dans le commerce, tels que Training Peaks™, Kinetic Athlete et Smartabase, qui permettent d'intégrer les données et offrent des outils simples d'établissement des rapports qui deviennent de plus en plus populaires dans le sport de haut niveau. 

CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES D'UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE DURABLE

Un système de surveillance durable est essentiel pour assurer que les données sont efficacement recueillies et consignées.  Le tableau 2 identifie certaines caractéristiques principales d'un tel système.



APPLICATIONS PRATIQUES

  • Les outils de surveillance doivent être spécifiques au sport concerné et plus d'un outil peut être utilisé pour assurer une information exacte.
  • La surveillance doit avoir lieu à une fréquence suffisante pour fournir l'information nécessaire, mais pas à une fréquence excessive qui risque de réduire la conformité.  Les mesures hebdomadaires sont habituelles dans les programmes de haut niveau.
  • Les commentaires fournis aux entraîneurs et aux athlètes doivent être donnés dès que possible après le recueil des données, être faciles à interpréter et inclure des indicateurs simples sur les changements significatifs des mesures et sur les interventions éventuelles requises.
  • La surveillance doit être durable d'un point de vue financier et humain et être un simple complément au programme d'entraînement; elle doit également nécessiter un minimum de temps pour être complétée par l'athlète.

 

CONCLUSION

L'utilisation des principes scientifiques pour la surveillance de charge peut être un moyen important pour réduire le risque d'effort excessif non fonctionnel, de maladie et de blessure. De nombreux athlètes sont exposés à des charges d'entraînement élevées et à un stress important lors de l'entraînement et de la compétition, il est donc nécessaire de gérer les risques associés à des résultats négatifs possibles, de maintenir une condition physiologique et psychologique optimale et de veiller au bien-être de l'athlète. Tandis qu'un ensemble de mesures potentielles relatives à la charge externe et interne a été décrit, de nombreux facteurs interviennent pour déterminer les raisons pour et contre la surveillance de la charge, le type spécifique de surveillance nécessaire pour le sport et la personne concernés et la façon d'assurer que le changement est correctement évalué. Si des commentaires précis et faciles à interpréter sont fournis à l'athlète et à l'entraîneur, la surveillance de la charge peut améliorer les connaissances en matière de réponses à l'entraînement, aider à la conception des programmes d'entraînement, fournir un nouveau canal de communication entre le personnel d'assistance, les athlètes et les entraîneurs et, à terme, améliorer la performance de l'athlète.

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